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vendredi 2 février 2024

La disparition mystèrieuse de Mascotto Biscoto


La mascotte de la Coupe du Monde 2038 au Maroc a disparu.

Qui sont les responsables ? Qui a commis cet acte ignoble ? Où est-elle passée ?

Les autorités s'inquiètent. Des enquêtes sont diligentées. Aucune trace...

Le crime parfait ? Bien possible.

Les sournoises Mascottes oubliées des éditions 78, 82 et 86 sont rapidement démasquées. Et de fil en aiguille, l'on remontera jusqu'au cerveau de cette machination diabolique.

Elle n'a pas supporté l'oubli, la souffrance, l'odeur de moisi, les cales,... 

Naranjita, la sournoise orange du Mondial 82.

Effigie du plus grand match de tous les temps. France-Allemagne. Rien d'étonnant.

Elle n'a pas compris. Qu'on se souvienne d'un match et pas de sa mascotte, de l'emblème d'une compétition marquante, de l'ancêtre de toutes les mascottes qui viendront plus tard. Les prémisses, la naissance du Marketing sportif. De l'émotion, de la mélancolie à l'état brut. Elle s'est sentie lésée. Elle l'ancienne, incarnant, la sagesse, le respect des traditions. Elle a voulu récupérer son bien tout simplement. Son statut. Sa couronne.

Elle serait trop datée, trop pixélisée, trop vieille, obsolète ? Que nenni, elle en a dans le citron. Pas de raison de se laisser commander par des mascottes plus jeunes, plus jolies certes, mais facilement oubliables, tellement interchangeables, prévisibles... Nananjita elle sait qu'avec ce coup de maître, on ne l'oubliera pas de sitôt. Voire jamais.

C'est Joe le kiwi et Wesh la carotte qui ont mené l'enquête. Merci à leur dévouement sans failles. Le problème c'est qu'alors que l'enquête semble avoir été résolue, Joe le Kiwi disparaît à son tour. Wesh la carotte ne croit pas guère à la lettre retrouvée chez son camarade évoquant le désir de prendre une longue année sabbatique en Afrique Australe. Elle n'en croit pas un traître mot.

Wesh mène l'enquête. Elle commence son périple à la fabrique des rêves dans la 322ème rue... C'est là que le portable de Joe le Kiwi a borné pour la dernière fois.

Cette fabrique des rêves est une association à but non lucratif qui permet aux familles défavorisées de pouvoir occuper utilement leur temps lors des grands vacances.

L'enquête, la vraie, peut enfin commencer...

dimanche 23 juillet 2023

Le cas froid du quartier Palmiers

Les parents de Sambre, expatriés,  vivent à Madagascar et traversent ce qu'il est de coutume d'appeler une crise conjugale. Le temps pour eux d'aplanir leurs différends, ils ont jugé utile que Sambre passe l'été chez son oncle et sa tante qui viennent de s'installer à Casablanca dans une jolie villa de la rue Lemercier au coeur du bien nommé quartier Palmiers.

Le quartier a beaucoup changé ces dernières années. Les anciennes maisons du début de la rue, vendues, ont été rasées pour laisser place à un centre commercial et deux rutilants immeubles d'habitation de quelques dizaines d'étages qui menacent de ne bientôt plus laisser passer la lumière du jour.

La petite Sambre arrive dans ce contexte. A la fatigue du voyage, à la tristesse de savoir ses parents en instance de séparation (les enfants comprennent tout à cet âge) s'ajoute une cohabitation délicate avec son cousin Rémi, mutique, renfrogné. Mais elle est gaie,respire la vie malgré tout.

Sa tante Josette n'est pas méchante mais elle a besoin de dominer, de contrôler. Elle Ne sait pas mettre les distances de sécurité nécessaires.. Une femme aux prises a des angoisses que les enfants ne sont pas en âge ni en état de comprendre, d'appréhender.

Exemple : pensant bien faire, Tata Josette s'entête à pulvériser du baygon sur les cheveux de la petite Sambre persuadée d'y trouver un remède miracle contre les poux qui viennent de trouver refuge dans sa chevelure épaisse... Résultat : coma, hospitalisation. Sambre est vite ramenée à la vie. Au réveil, hors de danger, elle voit un cathéter s'échapper de l'intérieur de son coude via un petit tube en caoutchouc transparent. En le suivant du regard, elle finit par découvrir à l'autre bout le visage de son cousin Rémi, empreint d'affection, de gravité aussi. Il est là, au coin du lit, lui tient la main.

Rémi lui explique que ses parents ont sauté dans un avion depuis Madagascar pour venir la rejoindre. Ils seront là d'ici 24 heures. Rémi s'excuse aussi d'avoir été peu engageant avec elle depuis son arrivée.

Sambre lui pardonne et lui glisse alors son secret : elle est revenue avec un don. Elle sent fort, beaucoup plus fort les choses. Elle a désormais le pouvoir de capter des énergies lointaines, inaccessibles pour le commun des mortels...  Elle supplie Rémi de lui rendre un service. Elle le lui murmure au creux de l'oreille.

Le soir, Rémi rentre avec ses parents. Le climat est glacial. Sa maman, Josette, s'en veut terriblement. Elle culpabilise, pleure a chaudes larmes. Rémi profite d'un moment opportun pour avoir l'attention de son papa. Il a besoin de son aide.

Ensemble, ils descendent à la cave. Dans le fonds de la pièce obscure, un vieux congélateur d'un autre temps ronronne. Il doit être là depuis des décennies. Trop lourd à déplacer. Son bourdonnement et la petite lumière qui se projette dans la pièce depuis un petit triangle sur sa façade créent une vibration particulière, donnent l'illusion que l'encombrant garde-manger est en vie. Qu'il observe. Qu'il rumine. Qu'il attend son heure. 

A l'intérieur, tout au fonds derrière une paroi de glace, l'enfant désigne quelque chose. Le père est subjugué en identifiant les contours d'une bouteille.

"C'est fou, tu es observateur mon chéri, je n'avais jamais fait attention. Et elle doit être ici depuis très, très longtemps.... D'après ce que je sais, le congélateur est là depuis toujours, depuis belle lurette en tout cas. C'est increvable ces machins-là

A l'aide d'un coupe-papier, Papa creuse, il creuse... Comme le sculpteur affinant les contours de son oeuvre.

Au bout de quelques minutes la bouteille est entre ses mains.

A l'intérieur, pas de liquide mais ce qui s'apparente à ce qui fut un bout de papier tout replié sur lui-même.

Le papa retrouve l'espace fugace d'un instant les yeux pétillants de son enfance derrière ses lunettes aux verres épais.

"Bingo, un message à l'intérieur comme dans les films de pirates... J'ouvre ?  

Rémi suggère de ne pas y toucher, de la ramener illico intacte à Sambre.

"Elle saura quoi faire, Papa ! 

Papa a l'air surpris, dépassé. Mais il acquiesce. L'histoire est belle et il veut comprendre où tout cela les mènera.

Voilà maintenant que sur la banquette arrière de la voiture de fonction de Papa, Rémi est un messager dévoué corps et âme, lui d'ordinaire si détaché, serre contre lui, sa vie en dépend c'est certain, la bouteille enveloppée dans une serviette comme un nourrisson emmailloté.

En quatrième vitesse, Ils traversent et déchirent la nuit jusqu'à la clinique où l'accueille Sambre, toute excitée malgré sa convalescence.

Elle communique avec la petite bouteille qui est encore givrée comme une orange. Se réveille-t-elle d'un long sommeil ? Aura-t-elle tout oublié ? 

Sambre est attentive à chaque sensation. Ses petits doigts glissent sur le verre humide. Elle ferme les yeux.

Des images remontent comme des bulles qui se faufileraient dans la bouteille entre deux blocs de glace.

Nous sommes quelques décennies plutôt. Le quartier n'est alors peuplé que de maisons d'un seul niveau. Des palmiers ici et là justifient le petit nom du coin. Nous sommes dans cette rue Lemercier du Quartier Palmiers.

Un grand départ se précise. Dans la précipitation Des visages inconnus. Style vestimentaire pas d'aujourd'hui. Une génération avant. Peut-être deux. Et cet enfant au centre. Un enfant blond comme les blés. Timide. Son berger allemand Tim. Qui aime se cacher ici ou là.

"Tim, Tim , siffle le papa rondouillard, passablement essoufflé.

La maman organise sèchement. Donne des consignes. Parle fort. D'autorité. Un camion de déménagement devant. C'est la cohue.

Le petit garçon effacé joue avec une bouteille vide. Il glisse un petit bout de papier plié cent fois à l'intérieur, re-clipse la capsule froissée. Puis il descend vers le sous-sol, à la buanderie, son visage est inondé de larmes lorsqu'il ouvre la large porte de l'imposant congélateur.

Il marmonne quelques mots inintelligibles en glissant le contenant tout au fond du bac le plus en haut. Qu'il recouvre de la glace trouvée autour. Il grimace de douleur, la sensation de brûlure à ses extrémités. Il s'ébrèche les ongles sur la glace. Souffle sur ses doigts qu'il a gelés.

"Robin, Robin !

Sa maman l'appelle. Le petit Robin referme la porte du congélateur.

Sambre rouvre les yeux sur son lit d'hôpital. Elle en est certaine, la petite bouteille portait un tablier. Un fin morceau de papier collé sur son ventre. Avec un oiseau dessus. Qui n'est plus là. Quelques traces anciennes de colle sont néanmoins là pour lui rappeler qu'elle n'est pas complètement folle.

Elle pose son oreille contre le verre comme on écoute les battements d'un coeur. Longuement.

"C'était de la limonade, murmure-t-elle

Puis s'adresse à Rémi en lui confiant la bmdélicatement la bouteille.

"S'il te plaît, va à l'hôtel face à la gare de Casa Port. Tu demanderas la chambre 421 à l'accueil. Vas-y maintenant avec tata Josette. Elle dira oui c'est sûr !

Et voilà Tata Josette qui a trop à se faire pardonner. La voilà qui fonce dans la nuit de Casablanca. Rémi est sur la banquette arrière, il regarde les lumières de la grande ville défiler à toute vitesse au coeur de la grande nuit.

"Merci maman, tu verras que Sambre a raison !

Lui et sa maman sont à l'accueil

Rémi demande à appeler la chambre 421.

Un monsieur d'une quarantaine d'année dans un complet gris, dégarni, ventripotent, a ses petites lunettes rondes, cerclées de métal, posées sur le bout de son nez.

Il sort de l'ascenseur et s'approche d'eux

"Oui ?

Rémi interroge

"Monsieur Robin ?

Le monsieur interloqué, acquiesce

Rémi lui tend le téléphone de sa maman. Sambre s'adresse a lui émue depuis son lit.

"Bonsoir Robin. Ce serait trop long à expliquer, mais je sais que vous avez vécu ici à Casa dans une maison de la rue Lemercier que mon tonton et ma tata occupe aujourd'hui. Et je sais que vous êtes de passage pour le travail...

"Comment est-ce que...

Robin est abasourdi.

Rémi lui remet alors fébrilement la serviette éponge que Robin déplie soigneusement.

En découvrant la bouteille, il reste muré dans un silence ému, sans réaction. Ses yeux deviennent progressivement ceux d'un enfant qui n'a jamais quitté Casa.

Il murmure enfin, habité d'une passion folle, le regard brûlant de nouveaux anciens projets à (re)naître.

"La Cigogne...

Au même moment sur l'écran du téléphone que Robin vient de rendre à Josette, les parents de Sambre viennent d'arriver dans le champ et couvrent de bisous leur fille adorée sous le regard attendri du papa de Rémi qui veille, bienveillant, dans un coin de la chambre.

Dans ce hall d’hôtel un peu froid, Robin ajoute les yeux dirigés sur le contenu de la bouteille...

"Sur ce bout de papier que vous voyez là, j'avais scellé le serment que nous nous retrouverions un jour. Je ne savais ni ou ni quand, et j'avais complètement oublié cette histoire jusqu'à cet instant... 

Robin croyait aux forces de l'esprit. Dieu qu'il avait raison.

lundi 17 juillet 2023

Tout est juste

Céline, elle aimait ressasser.

Paris. C'était l'illumination aux illuminés. Il devenait urgent de s'extraire. De s'extirper. De s'exfiltrer. Ville de ripoux. Vue de côté, une forme oblongue, pas nette. Il fallait s'ôter de là. Chercher le bon goût plus loin. Sans rire, on nous menait par le bout du nez Pour mieux nous asservir.

Elle sut me convaincre et notre jeune couple se hâta de partir. Quitter la capitale, comme on dit. Parce que tout y puait à la longue. Personne n'y pouvait rien. Renaître ailleurs, c'était la seule issue. Moi je voulais que son bien. 

Céline elle aimait organiser.

C'est Angers qui nous tendit les bras. Ce serait Angers. S'y repaître. Angers, on ne connaissait guère, c'était pas loin, la promesse d'un jardin, d'un barbecue l'été, d'enfants batifolant dans un bain de verdure. Pour l'enfant qui viendrait un jour. Probablement.

Commença le cirque de la pureté, son cycle aérien. Celui de sa recherche éperdue. Nous allions retrouver langue avec la nature. Machine après machine, lavage après lavage, c'était ça nos vies. Plus blanc que blanc. Retaper la ferme. Son corps. L'entretenir. Ecouter son corps par la même occasion. Vivre en autarcie. Heureux. je le vivais parfois comme une injonction. Mais je n'en disais rien. "Ne dépendre que de soi" qu'elle répétait. Respecter toute vie. De celle du paon à celle du moustique, de celle de l'arbre à celle des planètes. Sous l'égide bienveillante de l'éternelle "Flamme violette". Céline en était folle. Trouvait un sens à nos vies sur la moindre éclaircie après l'averse. Apoticaria. Dioxyde de chlore. Capsule d'iode, autant de noms d'oiseaux pour mieux asseoir l'horreur qu'elle avait de la société moderne qui voulait nous empoisonner avec son gluten, ses produits industriels qui ne cherchaient qu'à asservir nos consciences. Nous réduire à l'état d'esclaves. Moi je ne voulais que son bonheur. Pourquoi la contrarier ? Un proverbe tunisien raconte que si l'homme sur son bourricot te fait "regarde comme il est beau mon mustang", il ne faut jamais casser son délire !

Ca allait toujours tant qu'à ses yeux "tout était juste". C'était son mot d'ordre. Tout devait être juste... Le monde ajustait nos shakras. On se tint aussi loin que possible des mauvaises ondes. En sachant qu'un rien pouvait effondrer nos merveilleux châteaux de cartes. Fragile, toujours, est le chemin qui mène aux étoiles. Mais à ce compte-là, on ne se fit pas beaucoup d'amis. Les voisins recelaient chacun quelque chose de sombre, de trouble, de pas bon. "On ne savait pas ce qu'ils avaient dans la tête" qu'elle bredouillait parfois.

Céline, c'est qu'elle était difficile.

Bien sûr, tout n'alla pas de soi mais nous n'étions pas complètement seuls. Il fallut que son Papa nous aide. Pour acheter la ferme déjà. Pour permettre notre installation aussi. Il finançait, moi je retapais  comme je pouvais. C'était ma modeste contribution. Je savais faire. Tous corps d'état. J'avais fait mes preuves.

Mais en tout état de cause, c'est la force invisible de Dieu qui pourvoyait, répétait-elle à l'envi. Sa lumière verticale qui baignait nos fronts bénis. Et chaque petit oiseau qui chantait ici ou là dans les prairies autour était un signe de la chance qui nous accompagnait. Chaque jour, nous devions remercier la vie. par des étreintes palpables, sonores. tout devait être ferme, la main, le corps. Des respirations profondes. Elle en était sûre, nous étions heureux. C'était un ordre divin. Il ne fallait surtout pas s'y soustraire. 

Et puis des amis de notre vie d'avant vinrent de Paris nous rendre visite. Ils se plaignaient de la Capitale. Comment ne pas leur donner raison ? Ils repartirent comme ils étaient venus. Tard dans la nuit. Et pour la première fois, je tentai d'ouvrir les yeux de Céline sur ce qui n'allait plus. J'etouffai. Il fallait que ça sorte.

"Tu sais, on leur a dit qu'il fallait aller plus loin pour trouver une piscine et on leur a montré la nôtre.

Elle n'eut pas l'air de comprendre.

"Mais la piscine, c'est le bras armé du capitalisme à bas bruit ! Avais-je ajouté pour qu'elle comprenne bien le fond de ma pensée.

A son initiative, elle trouvait les étés chauds, la chaleur nuisait à l'équilibre de nos Shakras. On avait donc investi dans une grande piscine en plastique bleue que j'avais installée. Facile à monter.

j'ajoutai pour enfoncer le clou 

"Quand on leur explique que la liberté c'est travailler d'où on veut aujourd'hui. Que par video désormais on peut chercher de nouveaux marchés, on leur renvoie l'image même de ce qu'est leur vie des bobos parisiens... Ils savent déjà tout ça.

Céline avait lancé depuis peu une activité de cours d'Athayoga très efficace, investissant dans le développement d'une app au top et faisant venir avec l'argent de Papa une Yourte spécialement du pays des Yourtes pour gagner en crédibilité, apportant un soin tout particulier aux éclairages à l'intérieur. Une activité en présentiel ou pas avec rendez-vous par visio et tout le toutim. Paiement par virement bancaire. Amex, Mastecard, VISA. On s'était mis à la page, on nétait pas là pour enfiler des perles. Tout était juste. Jusqu'aux comptes, jusqu'aux bons amis restés à Paris.

Le résultat était peu ou prou celui auquel arrivent les bien nés des grandes écoles de commerce qui s'expatrient au Portugal (fiscalité oblige, d'une pierre deux coups) ou qui se lancent dans une activité méditative pensant échapper à une trajectoire qui n'a dévié d'un yota que dans leur réalité fantasmée.

Céline me répondit sèchement que je faisais du mauvais esprit, qu'elle le ressentait, que de vilaines vibrations avaient soudain brouillé ses ondes électromagnétiques du bonheur. Et puis avait-elle conclu de bonne foi, il fallait bien vivre, nous on s'informait, on restait connectés au monde et aux opportunités qui s'offraient à nous.... Quoi de plus normal ? 

Mais enfin, lui dis-je, nous ne faisons rien d'autre ici que ce que font les petits enfants du capital lançant leur business en ligne depuis Paris. La loi du marché est venue nous rattraper par la peau des fesses en rase campagne.

"Ce que je veux dire c'est qu'on aurait pu rester à Paris si c'était pour revivre ce qu'on s'était entêté à fuir.

La tyrannie de l'activité permanente était à nouveau sur nos têtes lourdes.

Le cirque éternel de la capitulation loin de la capitale se mue en recapitalisation par l'esprit du ventre

Je notai ça quelque part. Je trouvais la formule obscure et éclairante à la fois.

Elle refusa de le voir. De l'accepter.

J'avais trop voulu lui faire plaisir, la savoir heureuse. Je m'étais aplati. Et je compris dès lors que rien n'y ferait. Aucune fortune, aucun geste insensé... Elle était bel et bien dans sa tête, toute seule, sûre que tout était juste tant qu'elle le déciderait pour nous.

Alors bien sûr, la contredire polluait les ondes du lieu, en cassaient l'harmonie profonde. En larmes, elle me conjura de la quitter.

"Pour le bien des lieux"

"Tu as changé, un gars bien doit défendre les siens, coûte que coûte, tu nous fais trop de mal..."

Finit-elle par conclure en me congédiant.

J'avais essayé de dire le fonds de ma pensée... J'avais eu le temps de retaper la maison au point que sa valeur avaient quadruplé... Je repartis les mains et les poches vides mais les idées claires et fier d'avoir su finir par rester moi-même.

Je rentrai à Paris. J'ai depuis des nouvelles par des amis communs. J'ai appris récemment qu'elle avait tout misé sur les animaux, domestiquant jusqu'aux oiseaux sauvages contre leur gré, organisant des visites de sa ferme Orwellienne pour les écoles de la région. Voulait-elle anticiper le déluge ? J'avais contribué à construire son arche (cette maison prendrait un jour l'eau à coup sûr) et voilà qu'elle commençait à la peupler. Bouquetins, Paons, Perruches, Chats, chiens, veaux, vaches... Mais toujours pas d'enfants. Ni de compagnon. 

Mais à trop jouer avec le feu, est arrivé ce qui devait arriver. Un accident malheureux après qu'elle eut recueilli un énième chien errant, baptisé "Pouilleux". Evidemment, la ménagerie a ses lois. Le nouveau venu eut le plus grand mal à se faire accepter des plus anciens. Lors d'un énième accrochage entre la cuisine et la salle de bains (une histoire de territoire)  Céline voulut s'interposer et fut mordue profondément à l'avant-bras par Pouilleux. Sur le coup, soins, pansements, Biafine, repos.

Mais bientôt, ce fut infection nosocomiale, amputation du bras, retour express à Paris. Pour être aux portes des meilleurs services spécialisés. Suivie de très près par les plus grands spécialistes. Depuis elle aime Paris, elle y est bien. je crois que ça la rassure.

Le monde change mais il est toujours là. Tout n'est qu'illusion pour les immobiles dont le cadre autour varie imperceptiblement sans que leur moi profond n'ait été ébranlé même une demi seconde. Le capital est ici et partout. Tout le temps. Quoi qu'on en pense.

mercredi 5 juillet 2023

Le roi Léon

Je ne voudrais pas qu'on l'oublie. Je l'appelais parfois "Le roi Léon". Mes origines Bayonnaises que voulez-vous ? Déformation personnelle. Il s'appelait Léon Roussin.

Que dire de sa jeunesse ? C’est son jardin secret. Parfois, il y retourne en pensée pour être heureux je suppose. Je sais qu’elle fut dorée. Une de ces jeunesses d’européens vivant l’expatriation en Afrique de l’Ouest dans les années 80. Abidjan. Rentré dans la Banlieue Ouest en 1986, tout commence vraiment lorsqu'il a 25 ans.  Son vieux, méticuleux, organisé, prévoyant, lui a toujours inculqué la capacité à prévoir, anticiper, rester calme pour voir au loin. Alors le Léon il a fait les choses comme ça. Disons pour être un bon garçon, pour faire plaisir. Avec son pécule hérité d'une coopération effectuée en Afrique australe, le Mozambique, il a pu dès son retour acheter un modeste 2 pièces dans le 19ème arrondissement au quatrième étage (la porte pile en face de la mienne sur le palier, j'arriverai trois décennies plus tard). Une acquisition pour être autonome, ne dépendre de personne. Léon a démarré sa vie professionnelle comme contrôleur de gestion à La Défense. Son tout premier achat pour l'appartement - elle a de l'importance pour la suite de mon histoire, fut un petit four micro-ondes quelconque, une entrée de gamme, rien de spécial, de ceux qui permettent alors aux étudiants de réchauffer rapidement des plats quand ils envie la flemme de cuisiner. Est-on jamais tranquille et posé à 20 ans ? J'en sais quelque chose.

L’appartement était le lieu de vie rêvé pour un célibataire guettant, cherchant à se fixer comme l’abeille sur la fleur pour butiner. Léon se cherchait alors et parcourait la grande ville aux plus belles heures de ses nuits. Epoque où il croisa Nougaro puis Roland Topor, tous deux hilares, sur le Boulevard Saint Michel après minuit, époque où il passa un ou deux soirs du Beaujolais Nouveau dans une cellule de dégrisement. Ces souvenirs n'ont de prix que sur le moment. Et puis il a beaucoup voyagé seul, sac au dos, tenté l'aventure sans retour pour l'Australie en bateau. Sans succès mais quel voyage ! Aussitôt arrivé, aussitôt revenu. Le Léon avait longtemps gardé ses meilleurs amis, il était entouré. Son vieux lui avait d'ailleurs maintes fois dit : "Avoir des amis, des vrais, c'est important".

Puis un jour, comme souvent par le travail, lors d’un séminaire professionnel, il rencontre l’amour et s’engage. Les tourtereaux sont discrets, évitent les regards au bureau. Rapidement tout le monde se doute puis sait, les bruits courent c'est leur nature que de circuler, vous échapper comme l'argent qui brûle les doigts. Mais les amoureux apprécient de poursuivre ce petit jeu de dupes qui donne à leur retrouvailles le soir dans le parking souterrain à l’abri des regards indiscrets des airs de jeu dangereux où tout doit être fait avec intensité, avec le sens de l’urgence dans le respect des lois du genre.

Mademoiselle vient s’installer dans cet appartement où le mobilier évolue, le lit devient plus grand, des fêtes accueillant plus de gens s’y donnent jour, la cuisine s’équipe visiblement (à l’issue de la pendaison de crémaillère officielle du couple). Et Léon remise alors son petit four d'étudiant à la cave. Il resservira peut-être un jour qui sait ? Ce sont autant de détails lumineux et photographiques qui lui reviennent en mémoire.

Un jour, une opportunité à l'étranger se présente à eux et ils sont emballés. Léon sera directeur financier en Afrique (tiens donc) de la filiale d’un groupe industriel français. Envie de s'y lancer à corps perdu. Ca lui rappelait sa jeunesse. Léon se rappelle bien de ce jeudi gris et pluvieux à la fenêtre quand s'élève du poste de radio "I heard some bad news today" de Luther Allison. Il y a tout de suite vu comme un signe. Une prémonition. Mais ils partent à l’aventure. Sans se retourner. Les voilà envolés pour l’étranger. Un avion déchire l’azur. Les malles ? Une société passe les récupérer.

Le temps file. Léon verra désormais moins les copains qu’il perdra de vue. Il n’aura pas su entretenir la flamme de l’amitié. Il s’en veut. Il regrette.

Et l'appartement dans tout ça ? Il reste seul. Il se vide. Plus rien. Vit dans l'absence. Puis il se remplit. Loué meublé, il restera tel quel. Un décor de théâtre qui attend le retour de ses occupants. De ses acteurs principaux. Pendant que les seconds couteaux s’en donnent à cœur joie, longtemps avant que je ne m'installe sur le palier en face. Il y eut d’abord un jeune couple sans enfant jusqu'à ce que leur séparation soit scellée par l'arrivée d'un petit chat dans leur foyer, faisant probablement émerger la vérité sur leur désir de ne pas se projeter plus loin ensemble. Il y eut Katia, la fille d’un grand écrivain, vivant dans l'ombre du géant, cherchant sa propre lumière, s'y contorsionnant. Une vie d'illégitimité vécue comme une plaie. Et les expédients pour taire la douleur. Les marées urbaines sont ainsi. Des locataires vont et viennent, s’y succèdent, au rythme des saisons, les marronniers se décharnent le temps d’un hiver sur le square en contrebas. Puis fleurissent à nouveau. Célibataires, couples, projets d’enfant, disputes, chômage, cris, alcool, excès, deuils, fous rires, esclandres. S’oublier parfois, et puis les périodes d’inoccupation qui redonnent à l’appartement la parole. Il est à nouveau seul avec ses quatre murs soigneusement lavés. Il peut à nouveau penser, réoccupe tout son espace. Le temps file et voilà Léon qui revient un beau jour avec sa femme et deux enfants. Deux filles. L’une a déjà 10 ans, l ’autre 3. Les 9 mois de grossesse sont interminables puis c’est le toboggan de la vie.

Léon a pris cher. Il se tient voûté. Ses cheveux ? Envolés ! Il n’a pas su affronter une dépression profonde. La perte de ses parents coup sur coup pendant son absence. Un licenciement mal vécu. Il ne travaille plus. Les problèmes de santé sont arrivés. Tout grisonne. Même dans sa tête, même dans son corps. Douleurs articulaires. Surpoids. Cholestérol. Fatigue. Apnée du sommeil. C’est lui qui devient suiveur cette fois. Dans la rue il ne marche plus devant mais derrière sa femme et ses deux filles. Il est devenu un poids. Il le sent. Sa femme trouve une opportunité en province. La petite famille suit le mouvement. Mais il n'est déjà plus que l'ombre de lui-même.

Les années s'envolent à nouveau.

Comme Ulysse de son long voyage, le roi Léon revient finalement seul à l'âge "de la retraite" comme on dit. Lui ne travaille déjà plus depuis longtemps. Il s’installe pour la dernière fois dans l’appartement où il avait d'abord vécu seul. Ses enfants sont grands et il est séparé de sa femme. Elle a refait sa vie plus loin avec un farfelu (ses propres mots). Léon a des tremblements, des trous de mémoire, des maux de tête… Il apprend rapidement qu’il a une maladie dégénérative. Ses filles viennent de moins à moins souvent lui rendre visite.

J'habite depuis peu sur le palier, juste en face. Je passe le voir de temps à autre. M'assurer que tout aille bien. Je suis arrivé trop tard, je ne l'ai pour ainsi connu que vieux et abandonné le roi Léon. La dignité c'est ce qu'on se refuse éperdument à laisser filer. Et Dieu sait qu'il l'était, digne malgré son état. J'aurais juste aimé qu'on le respecte plus.

Dès que la confiance est là, il me sollicite. "Joël par ci, Joêl par là, un ange... le fil que je n'ai pas eu". Je descends à la cave récupérer ses effets d’antan. Ceux d’avant sa vie de père de famille, d’homme responsable. J’y trouve des malles en métal d’un autre temps. Rouillées. Mais le contenu a tenu. Soigneusement emballé. J'en remonte comme de l'épave du Titanic des objets obsolètes de sa vie d’avant : un lecteur 33 tours, des cassettes VHS, des photos jaunies, écornées. Des portraits de jeunes gens qu'il ne reconnaît pas toujours. "Mes pôôôtes, la belle époque" comme il dit. Et puis il y a ce vieux four vntage, soigneusement rangé dans un carton qui n'a pas souffert du poids des années. Etrange. Il a l'air heureux de le retrouver. Il ne marche pas quand j'essaye de le mettre en route. En revanche, dès c’est le roi Léon et ses doigts de fée, le four micro-ondes revient à la vie.

C’est l'époque où je crée mon blog. J'y parle des oubliés, de gens comme le roi Léon qui m'inspirent. Ses envies de départs (il a des coups de mou) m'ont mis la puce à l'oreille. Je l'ai accouché, il a commencé à me raconter cette vie de devoir, puis de souffrance, de solitude. C'est aussi le moment où je reçois sur mon blog des messages d'encouragement, d'admiration d'un mystérieux visiteur, Yann O., qui ne cesse de me donner l'envie de construire d'écrire, de ne pas abandonner ce qui est encore un jardin secret pour moi.

Un soir, cet étrange visiteur m'envoie ce message que j'ai précieusement gardé...

"Bonsoir. ici Yann Onyme (manifestement un amateur jeux de mots). tout va bien ? merci pour les nouveaux portraits du mois. Continuez ! Continuez ! Dites, sinon comment va votre voisin le Léon ? Bien j'espère"

Je réalise soudain que je n’ai pas vu le Léon depuis un certain temps.  Je me lève d'intuition, vais sonner chez lui. Il ne répond pas. Je suis inquiet. Il m'a laissé un jeu de clés au cas où. J'ai des sueurs froides.  J'ouvre, je le cherche et le découvre inconscient sur le carrelage de la cuisine. Il a voulu en finir, un sac plastique sur la tête soigneusement rendu étanche à tout espoir si je n’étais pas arrivé à temps.

Je sais que ces choses-là sont difficiles à croire. A expliquer. Et pourtant... J'ai compris en relevant la tête. Le micro-ondes semblait me fixer. Il venait d’émettre un petit clic comme celui qui retentit lorsque votre plat est prêt . J’ouvris sa mini-porte. Surprise ! A l’intérieur des pop-corn par centaines qui s’éjectèrent dans la cuisine comme un pluie de remerciements.

Alors que j’aidai Léon à reprendre ses esprits, j'entendis distinctement "J’ai toujours été là pour lui..."  dans ma tête, comme si le four y était rentré. 

J'ai déménagé quelques temps plus tard. Je n’ai hélas plus de nouvelles.

Quelques mois plus tard, l'été est arrivé. Je me promène sur les berges sablonneuses du Quai de Loire le temps d'un Paris Plage. Je suis en couple pour la première fois. Nous faisons de beaux projets de vie. L’étranger peut-être. Des enfants, soyons fous. Mais que tout ça passe vite.

Et soudain, je l'aperçois, c’est bien lui, le roi Léon. Je l'appelle. Il se retourne lentement. En me voyant, il arbore un large sourire.

Je vais à sa rencontre, je lui présente ma compagne. Nous sommes tellement heureux de nous retrouver. Il est métamorphosé, plein d’allant, de vie.

L’image ne me quittera plus jamais L'instant d'avant, je le reconnais alors qu'il est assis de dos sur la bordure face au canal. Je l'imagine serein, les yeux mi-clos fixés sur l'eau frémissante scintillant à ses pieds. De mille reflets ondulants. Je le reconnais grâce à un détail dont seul moi peut saisir la portée : à ses côtés, sous une ombrelle rococo, c'est bien lui, son compagnon fidèle, indéboulonnable, le petit micro-ondes, l'écran semblant regarder dans la même direction.

lundi 3 juillet 2023

En apesanteur

L'immeuble naquit il y a fort longtemps dans le quartier des Amandiers. Un accouchement majestueux, sans douleur. Il avait été conçu avec le projet d'y installer de vastes ateliers des métiers de l'artisanat. Hauteurs de plafonds, robustesse des matériaux, du bon sens à chacun de ses 8 étages, un édifice construit pour durer, tout ici était remarquable et pérenne. De la belle ouvrage. A coup sûr, le temps s'y casserait les dents. Mais pour Babbu le petit ascenseur qui avait été livré avec, tout était vite devenu douloureux.

D’abord avec la flambée des effectifs de sociétés nouvellement installées au cours des années 80. Le petit moyen de transport en fit rapidement les frais. Ca montait ça descendait, ça défilait, et lui s'épuisait, s'usait les câbles, se chauffait les parois jusqu'à l'huile qu'il avait épaisse et noire. L'ascenseur fut sollicité comme jamais finissant par ressentir de la fatigue, envoya des signes d'essoufflement, de charge mentale... Jusqu'à ce fameux mercredi qui acheva de précipiter les choses.

Ce 21 juin 2023 fut une journée étrange, inhabituelle. Beaucoup trop de monde d'un seul coup dans l'ascenseur, d'ordinaire si tranquille à cette heure avancée de la matinée. Autour de 10h00, ça descendait par paquets, à la queue-leu-leu depuis le 8ème, le 6ème et même le 5ème étage. Les tenues étaient sombres, les silences pesants. Il était question d'un départ inattendu. Babbu comprit rapidement. Tout ce beau monde allait se recueillir pour honorer la mémoire de... Felipe que certains proches collaborateurs appelaient avec affection « The Father ». 

Ce fut un choc. Lui revint d’abord cette envolée lyrique de Felipe faisant dans la montée vers ses bureaux le récit de son dernier voyage à un auditoire fasciné, contant les rites d'une tribu malaisienne qui pour honorer un mort offraient sa dépouille à la branche la plus haute de l'arbre le plus vieux du village avant de déménager pour aller s'installer plus loin par respect pour le lieu et la mémoire de la personne disparue. Babbu ne put s'empêcher de penser que ce matin-là les vivants quittaient l’immeuble après avoir abandonné le corps de Felipe sur les hauteurs de l'édifice.

Mais tous revinrent sur les coups de treize heures. La messe était finie. Les yeux étaient rougis. Les mines tristes. Alors Babbu se rappela de l’essentiel. Les images défilèrent comme les numéros d'étage sur son cadran en acier inoxydable. Lui et Felipe c'était l’histoire d’un heureux malentendu intervenu dans la fraîcheur du début des années 2000. Tout droit sorti d'un film d’anticipation, un nouvel objet étrange faisait alors fureur : le téléphone sans fil. Ce fameux jour, Felipe la main sur l'objet calé contre son oreille, donna à Babbu le sentiment qu'il lui adressait un message personnel en défiant son propre reflet...

"N'aie pas peur d'être heureux, ne fuis pas ton bonheur"

Babbu pour la première fois se sentit exister, se sentit respecté. Mais voilà, « The Father » est parti sans prévenir. Et Babbu ressent confusément qu’il est temps de mettre en actes ce précieux conseil qu’il lui prodigua sans le savoir, sans même le vouloir. Histoire d’honorer sa mémoire. Babbu ronge son frein. C’est l'appel des grands espaces, il veut assouvir son désir le plus secret : quitter sa condition, accéder au 8ème étage, voir enfin la lumière du jour... Il s'accroche à l'espoir de s’extraire de sa cage obscure, de voir enfin ce que son occupant préféré décrivait comme la plus belle vue panoramique qui soit sur Paris : Combien de fois Babbu entendit-il Felipe amenant ses clients sur le toit terrasse s’exclamer avec  passion : "Vous allez voir cette vue... A 360 degrés... Tour Montparnasse, Tour Eiffel, La Défense, Sacré Coeur... Un panorama unique au monde. Extraoooordinaire !". Ajoutant parfois "Le plus dur vous verrez, ça a été de construire la ville autour"... Ponctué d'un beau rire communicatif.

Le projet fou de Babbu vient soudain de naître dans les circonvolutions des circuits de sa carte-mémoire. Procéder avec méthode. Il va falloir provoquer les choses... Il a repéré le petit Clément, réparateur timide, fébrile au contact des autres, solitaire et qui a toujours un regard discret mais brûlant, langoureux pour Sobia, la responsable des services généraux de la société dont « The Father » était le fondateur. Babbu sait que Sobia peut être la clé de voûte de son improbable projet d'évasion. Dès le lendemain, il met en route son stratagème, simule une panne pour que Sobia se retrouve coincée à l’intérieur. Inévitablement, Clément est appelé, il accourt. Réglant chaque détail comme du papier à musique, Babbu provoque ainsi leur rencontre dans son antre. Il parvient à les y enfermer. Eteint ses lumières. La flamme d’un briquet s‘allume. Tout se passe comme dans un rêve. Hors du temps. Ca chuchote. Les deux tourtereaux se rapprochent. S’apprivoisent. On fait connaissance.

Clément remplace la carte mémoire et glisse celle de Babbu dans sa sacoche. L'ascenseur repart vers le 8ème. Il est tard. On est en juin. Il fait anormalement chaud. Sobia entraîne Clément dans les grands bureaux qui sont à présent déserts. Pour se rafraîchir. Boire un peu d’eau.

Elle lui fait découvrir une vue imprenable sur le tout Paris. Le coucher de soleil est déjà là.

Chacun est sans voix devant le spectacle mais chacun a vaincu sa timidité et sait ce qu’il veut. Clément dépose sa sacoche sur la bordure en pierre de l’immense terrasse.

Depuis l'intérieur du sac entrouvert, Babbu découvre alors avec émotion ce que Felipe alias « The Father »  racontait de son vivant avec tant de passion. Il a suivi son conseil. Il n'a pas eu peur d'être heureux. Il l'est à présent. Il n'a pas fui son bonheur. Il le tient désormais.

Derrière lui, Sobia et Clément s'embrassent pour la première fois. C’est sûr, ils vont s'aimer.

samedi 22 avril 2023

Une espère rare

Dans le ciel du Serengeti en Tanzanie, se cache élégamment derrière un monticule rocheux, par-delà l’épaisse couche nuageuse qui menace l’horizon, une cohorte d'objets volants non identifiés et autant d'aliens planqués derrière les hublots de ces véhicules spatio-temporels, sortes de soucoupes ovales caméléon grises floquées du signe UFO. Ils sont en séminaire d'entreprise et viennent pour la première fois dans cette partie du cosmos en empruntant le trou de verre RN6, la fine fleur du trou noir qui permet de franchir l'espace infini en deux trois années lumière à peine.

Fascinés par ce musée à ciel ouvert, ils observent nerveusement à la loupe. Nerveusement ? Oui. C'est que la présence coagulée de 100 collaborateurs Aliens dans chaque moyen de transport rend vite l’expérience étouffante. Un asile psychiatrique à ciel ouvert. Arriver dans le ciel de Dar Es Salaam, s’engouffrer à la queue leu leu dans des soucoupes tout droit sorties de la série Les Envahisseurs, tout est chronométré. Tu files à travers le Serengeti. A la queue leu leu, tu fais des photos. A la queue leu leu. Tu explores pour dénicher le léopard comme maman ouistiti des poux dans la toison de son rejeton.… A qui mieux mieux. J’ai vu son cul-cul tout rouge, j’ai vu la bêbête se faire dessus, j’ai vu leur coït, j’ai vu j’ai vu. Et j’ai vu… Et tu désespères, et tu t’émerveilles, et tu pousses de tes fesses vertes (ce sont de petits hommes verts) le voisin pour avoir la meilleure place, le point de vue imprenable sur le gnou.

Et puis le clou du spectacle arrive. Tous se massent alors d'un même élan derrière le petit hublot, son effet grossissant, et s’extasient. Oooooooh Aaaaaaah… Certains gesticulent mais pour autre chose, la vessie trop pleine, le petit piment de la veille qui travaille leur système digestif. D’autres réajustent la visière de leurs casques télépathogènes en pierre de lune, les derniers dans le fonds sont à la pause, ils installent avec précaution leur écouteur intersidéral qui permet la visite audio-guidée. Tous sont en émoi devant cette colonie si fantastiquement soudée, qui laisseraient les plus vieux à l’avant probablement pour ne laisser personne en chemin… Et une interrogation collective fait son chemin… Quel est donc cet étrange animal kaki dont les quatre membres noirs sont parfaitement ronds ? Comment vit-il ? Comment se nourrit-il ? Ils finiront bien par le découvrir en décortiquant les migrations coordonnées de ces étranges créatures éprises de vie grégaire, depuis la station Shell jusqu’au Garage du coin. Aller puis Retour. Une file ininterrompue de formes de vie avec les mêmes quatre lettres tatouées sur le derrière : J E E P. La colonie avance au pas, brille des crépitements de regards de braise à la tombée du jour, le poul visible des battements de leurs coeurs serrés comme en ce moment les petits palpitants verts de leurs examinateurs célestes...



jeudi 7 avril 2022

Ni Dieu


Comme tant d’autres, j’ai longtemps été le gosse épris du père, probablement tombé sous le charme de son élégante absence. Patriarche bardé de ses beaux diplômes et de ses prix d’excellence, en perpétuel voyage d’affaires ici ou là, Une impérieuse soif de conquête hors de ses bases. Cinglé par le froid de l’éloignement, éraflé dans les friches de l’attente, je demeurai à quai, triste et las comme le chien en hiver qui droit dans la basse fosse jouxtant le restaurant cossu, cherche du regard, de sa truffe humide, de son souffle chaud derrière la vitre, la silhouette rassurante du maître adoré se pavanant parmi les convives au coin du feu, espérant vainement son retour. 

Un beau jour, débordant de remords ou prenant qui sait son rôle trop à cœur, voilà que mon prétendu Messie rentra incognito d’une mission et me fit la surprise puis la leçon découvrant mon pansement sur le haut du front. Je venais la veille de l’entailler profondément sur le coin du sommier en sautant du haut de mon armoire. Alors il souffla comme sur des braises encore vivaces le faux pour mieux m’asséner le vrai

-« As-tu cette confiance aveugle en ton vieux papa, fiston ? »

 

J’opinai de tout mon chef, bien trop à ma joie d’être à ses côtés, d’avoir toute son attention.

 

-« Si moi je t’ordonnais de sauter du haut de cette armoire, le ferais-tu ? »

Je fis non de la tête. C’est qu’elle était sacrément haute et que je venais d’en faire l’amère expérience. 

 

-« S’il n’y a qu’un leçon à retenir dans la vie, c’est celle-ci Ramuntcho »

 

Puis il m’embrassa et je compris. Qu’il faut à la déférence opposer refus, à quiconque, Dieu le père compris ! En tout lieu, toute présence, toutes malheureuses circonstances. N’ayons rien contre l’aïeul, mais ne soyons ni dupe, ni d’aucune bannière, spirituelle ou même filiale. Je tiens cette leçon de mon père. Et j’y pense chaque fois que la cicatrice m’apparaît dans un miroir.


dimanche 23 janvier 2022

Le discours de Cocody

Il venait d’avoir 8 ans. C’était un soir, à Abidjan, aux alentours de 21h00, qu’il décida de faire sa prière pour la dernière fois. Par-delà les barreaux de sa fenêtre, une nuit sans lune donnait au jardin de la villa des airs de lieu souterrain au point que la maison lui semblait alors bâtie à l’abri d’un sous-sol sans portes ni fenêtres. Privé de repères, il se mit debout, sautilla sur son lit. Et plus il sautilla, plus le sommier grinça. Alors se fit jour par effet de contagion une constellation de pupilles reptiliennes sur le sol incertain de sa chambre. Il les compta une à une, lentement, à voix haute, puis trouva la petite veilleuse à tâtons sur la table de chevet. Une armée de doudous jonchaient la moquette à ses pieds, prêts à en découdre, dussent-ils y laisser leur peau de synthèse ! L’enfant marqua un temps, reprit son souffle puis se lança dans un vibrant plaidoyer, maniant le verbe avec emphase

- Très chers amis, ces imposteurs, apprentis alchimistes et autres défaits de la pensée agitent frénétiquement nos peurs fertiles dans quelques flacons poussiéreux, n’ont de lumière que leurs habits et restent aveugles à l'éblouissante noirceur, celle qui se cache en toute humilité dans les bruissements pourtant immémoriaux de la nature comme dans la douce pénombre de ce prétoire

Des "ohhhh", des "quelle aura" claquèrent, s'entrechoquèrent dans un brouhaha admiratif. C'était dans la poche. La foule conquise n'attendait qu'un signe de lui, qu'un imperceptible hochement de tête, pour (re)bondir à la face du monde.

-Sachons éviter les chemins balisés, ne prenons pour acquise aucune des mille et une vérités frappées du sceau de l’expérience, autant de démagogies instituées en lois immuables par les hommes. Renions toute idée logique car faussement rassurante... Je vous le dis : non, la prière n'est pas un besoin vital de 21h00. A quoi bon ânonner quelques phrases dont le sens nous échappe au moment de bailler ? C'est par ce renoncement salutaire que l'esprit humain saura s'ôter le poids de toute fatalité pour retrouver le chemin courageux de la liberté, réveillés que nous serons par l’expérience d’un baiser vénéneux, celui du grand mystère. En osant ouvrir un nouveau sentier dans la pénombre ancestrale d'une forêt primaire en péril, nous nous laisserons guider à l'intuition, la seule vraie boussole qui vaille mes amis, jusqu’aux berges d’un lac oublié dans les extatiques abysses duquel nous nous abandonnerons pour en sonder pleinement les profondeurs délétères. C’est alors que, plongés dans ce bain chaud d’imaginaire, comme exilés du monde, rejailliront en saillies furieuses les toutes premières lueurs amères de l’enfance, de cette vertu originelle et indispensable pour qui la vérité nue veut entrevoir.

L’enfant venait de révéler au monde comme à eux-mêmes tous ces affranchis du poids des vaines certitudes, de la folle vanité de l'Homme pour ce qui resterait à jamais comme l'historique Discours de Cocody.

dimanche 28 novembre 2021

Papounet, Elsa et Zelie en vadrouille


Papounet. On l'appelait affectueusement Papounet. C'était le plus gentil des papas et c'était bien le problème. C'était un papa dans l'indécision permanente. Il n'osait pas prendre de décisions pour sa famille. Choisir lui coûtait terriblement. Il était parfois tellement en retrait qu'on pouvait oublier qu'il était dans la pièce. Sa femme et ses 2 merveilleux enfants le menaient littéralement par le bout du nez. Les marmots surtout faisaient la loi. Papa disait amen à tout.

"Un papa en dessous de tout" lui murmurait-on à la maison.

Comment dès lors ne pas s'emmurer dans une absence à soi-même et aux autres ? Il en laissait le soin à sa femme et même à ses 2 fils, respectivement 3 et 10 ans, lorsque sa femme était absente.

Ses fils l'appelaient "trois petits points" pour les immenses plages de silence dont il était coutumier. Sa femme s'interrogeant à voix haute sur la façon dont il avait bien pu "faire bac + 5". C'était pour elle une énigme. Elle lui rétorquait toujours qu'elle ne supportait plus d'avoir "3 petits garçons" à la maison.

Papounet avait pourtant eu des tas de projets, des projets plein la tête, mais il n'avait pas su les mener à leur terme. Sa femme moquait ce goût pour l'idée, la création pure. A tout bout de champs elle le raillait en présence de ses fistons.

"ouarf ouarf papa et ses projets.... Mais où est l'argent le père ?

Evidemment ppur elle une idée n'avait rien de noble, ça valait 1 euro tout au plus. Ca leur servirait à quoi ? Même pas payer une "tradition". Lorsqu'elle revenait de chez un des leurs amis habitant une maison sur les hauts de Suresnes, elle ne manquait jamais d'asséner :

"J'ai honte quand je reviens de chez tes amis, regarde où tu nous fais vivre"   

lls habitaient un joli 2 pièces de 44 mètres carrés qui obligeaient les parents à dormir dans le salon. Les fistons se partageaient la chambre. 

Usé par la répétition, perdant pied et le peu de confiance qui subsistait en lui, Papounet s'affaissa, perdit pour commencer son travail, alimentaire, puis se recroquevilla sur ses peurs bien réelles dans cet appartement qu'il avait pourtant acquis à la sueur de son front, qui était même déjà remboursé. Ils étaient dans le plus bel endroit du monde, au pied des Buttes Chaumont. Mais rien ne trouvait grâce aux yeux de son épouse. Tout était médiocre à ses yeux.

Il avait désormais tellement peur, y compris de son ombre, qu'il ne sortait plus de chez lui. Quand les enfants ont peur du noir, lui redoutait à présent jusqu'à la lumière du jour, le vaste monde extérieur le déstabilisait. Tout était bon pour rester cloitré.

Il était au garde à vous pour les tâches ménagères, la vaisselle, la machine, le repassage, pour les devoirs, les anniversaires, les jeux. Puisqu'il était devenu un énième meuble dans ce petit espace.

Il acquiesçait. Il acceptait. Sans broncher.

Et puis un matin, au début de l'été, sa femme avait décidé sans lui en parler de partir en vacances avec ses fils chez une cousine installée sur l'Île de Beauté. Tous trois partirent et il resta seul. Il se sentit profondément seul, inutile et pire : transparent.

Il en résulta un profond désarroi, une lame de fond qui lui donna la force d'aller acheter en alcool de quoi assommer un Pottok. Ou deux. Il avait pourtant arrêté de boire et de fumer depuis plus de 2 ans.

Il procéda minutieusement. Verre après verre. Cherchant dans le suivant celui qui finirait le travail. Mais pour aller jusqu'où ainsi ? Quelles improbables limites cherchait-il à tutoyer ?

Il le fit si généreusement, si totalement, sans la moindre arrière pensée qu'il rouvrit les yeux au milieu de la nuit dans le couloir de l'entrée contre le Meuble qui soutenait le petit aquarium et ses deux habitantes.

Douleurs vives aux deux genoux, il avait dû tomber lourdement.

Il eut alors une révélation.

Voilà donc les seules habitantes de ce lieu qui le respectaient, le laissaient décider, choisir, se dit-il en rouvrant les yeux. Elsa et Zélie. Les poissons rouges de ses fils qui ne s'en occupaient guère et que Papounet choyait avec un sens profond du devoir.

Il aimait sentir l'excitation d'Elsa ou la retenue de Zélie tout au contraire, lorsqu'il s'approchait pour leur donner à manger, pour disperser une poignée de paillettes à la surface de l'eau ou lorsqu'il s'apprêtait à nettoyer l'Aquarium (elles avaient ce sixième sens qui leur faisaient comprendre quelques minutes avant ce qui se tramait à leur endroit).

C'est pourquoi il décida sur le champ qu'il lui fallait nettoyer l'aquarium, y trouver une énergie, un chemin pour ne pas sombrer à nouveau. Au diable le mal de crâne, les douleurs aux genoux, il se mit à la tâche mais sous-estima la décoordination de ses gestes, le décalage immense qui existait à cet instant précis entre sa volonté et ce que son corps était en capacité d'exécuter. Basse besogne.

BLANG CRASH SPLASH

L'aquarium des mille morceaux déclara sa flamme au carrelage. Elsa et Zélie suffoquèrent, gesticulant au milieu des décombres.

Dans la cohue, le tibia de Papounet fit connaissance avec un angle obtus d'un angle  d'aquarium. Ouverture et saignement. Ecartement et profondeur. 

L'eau et le sang. Le sang et l'eau. Une deuxième glissade. La douleur. 

Papounet n'en avait cure il était en mission. Pour Zélie, pour Elsa. Il se précipita dans la cuisine, chercha fébrilement deux petits sacs isotherme qu'il remplit consciencieusement d'eau fraîche. Pas trop froide. Chacun le sien. Zélie et Elsa furent sauvées. Pour un temps au moins.

Il devait maintenant penser à lui, à cette jambe entaillée, qui saignait abondamment.

Il ne sut jamais vraiment plus tard, après coup, dans quel sens s'enchaînèrent les évènements qui suivirent.

Probablement qu'un Taxi fut là pour commencer, qu'il eut la gentillesse de prendre un type pas vraiment  dans son état normal, plus de ce monde le temps le temps de quelque heures. Peut-être que la vue de ces deux petits sachets "poissonneux" serrés contre le petit coeur de l'homme en déroute avait attendri le chauffeur. Peut-être que le grand manteau qu'il avait machinalement endossé avait empêché qu'on ne lui vit tout ce sang maculant sa jambe nue bien emmitouflée dessous, vision qui aurait pu rebuter quiconque en toute autre circonstance.

Papounet fut accueilli à l'hôpital Saint Louis. Il fut recousu. Une jeune femme pour qui c'était une première. Elle s'en expliqua et lui fut marqué par cette douceur, cette volonté sincère de prévenir

"Vous êtes ma première suture

"je suis votre cas pratique hein.... Prenez soin de cette jambe, Ces deux là ont encore besoin de leur vieux papa, ajouta-t-il mollement en désignant les occupants des 2 sacs isothermes qui semblaient observer, inquiètes, la scène opératoire.

Puis Papounet fut, dehors, quelque part, sur les rebords du canal Saint-martin. Les lettres du Jemmapes l'aveuglaient. Il dut ôter ses lunettes, les nettoyer comme il pouvait à l'aide de son vieux tee shirt troué, celui qu'il utilisait pour dormir.

Il sourit, heureux d'avoir inventé la promenade de ses poissons rouges. C'était un pionnier en matière. Les chiens, les chats, tout ça c'était de l'histoire ancienne. L'avenir était aux poissons rouges. C'est ce qu'il leur murmura 

" L'avenir vous appartient les filles

En libérant Zélie et Elsa de leur petits cachots de plastique. Elle hésitèrent quelques instants à la surface cherchant qui sait, son regard, pour le remercier ou s'assurer que tout irait bien. Il les rassura d'un geste fragile de la main gauche avec le pouce levé.       

Il ne se rappelait pas comment tout s'était enchaîné ni depuis combien de temps il était penché sur son reflet dans le canal. Il se souviendrait toujours en revanche de l'apparition à ses côtés dans le reflet de cette jeune femme. De sa voix douce.

"Vous leur avez rendu leur liberté ?  

En se retournant, il avait acquiescé en reconnaissant la jeune femme qui l'avait recousu quelques heures plus tôt.        

"Je suis content que vous soyez là. Qu'est-ce qu'on fait ?

 "Qu'est ce qui vous fait envie ?

" je connais une bonne pizzeria ouverte toute la nuit? J'y allais plus jeune...

" Allons-y !

La suite leur appartint.

Il reprit le fil de sa vie au retour de sa femme et de ses deux petits hommes deux semaines plus tard et ne fut plus jamais le même.



    


dimanche 21 novembre 2021

Le bombardier de Bonamoussadi


Mon histoire commence de façon étrange. Par un vide, une absence, un néant, une occultation d'amour. D'amour maternel. Parfois, vous savez, mieux vaut ne pas avoir connu sa mère pour pouvoir se construire. Avoir connu sa mère qui n'en fut pas une vous oblige à vous reconstruire malgré elle. Cela vous étouffe d'un mille feuilles de difficultés dont chacun se serait volontiers passé. il vous faudra être tenace, patient, déterminé, méticuleux, pour avancer même à contre-courant, sans s'épuiser, sans renoncer. Une odyssée, une aventure dont on sort libéré , changé pour toujours, parfois un demi siècle plus tard. C'est mon cas, j'ai mis 45 ans à comprendre, à me libérer du passé.

J'ai longtemps vécu avec la conviction que je ne valais rien.  J'ai longtemps feint de ne pas savoir que je ne valais rien tout en le sachant. User de paraître en société pour donner l'illusion de l'assurance quand celle-ci n'est qu'un masque triste et sans joie. Persuadé à l'époque que même la lumière pouvait me traverser. Au point d'en collectionner des casquettes pour me repérer même en plein jour dans le reflet saturé des vitrines. Jusqu'à faire de ma voix ce son caverneux s'échappant d'une canalisation bouchée. Toute cette période allant de ma plus tendre jeunesse qui au fond ne se résumait qu'à cet adjectif... tendre.... malléable... tendre... Façonnable..  jusqu'à mes 20 ans ont été une longue phase d'observation pour attendre... attendre... le bon moment, celui qui me permettrait pour mon salut de déguerpir. Le beau-père qui ne m'aimait guère, mon "géniteur", comme ça que ma mère l'appelait, s'étant évanoui dans la nature avant même qu'on ait le temps d'avoir des photos de nous trois réunis... Un désastre annoncé. Je ne compte plus les fugues vers le bois de Meudon, les évasions. avortées à la tombée du jour,  les coups en retour, la chique ravalée, l'impatience et la compréhension muette ou source de la nécessité pour moi de couper les ponts filiaux pour m'en sortir. Couper les ponts, s'entailler les poings, se briser les phalanges, et trouver refuge sous des ponts. La boucle est bouclée.

J'ai commencé comme ça, sous le pont de Sèvres. J'étais jeune, j'étais con. A cet âge, avec un peu d'éducation, vous passez pour un original, un rebelle, un philosophe, un idéologue peut-être, Toujours est-il que de squat en squat, vous êtes accueillis, vous faites l'expérience d'une solidarité pas feinte.  Evidemment vous écrémez les lieux où des gens aisés vous donnent de l'argent pour se donner LA bonne conscience, où d'autres assouvissent leur rêve de coloniser les esprits les plus démunis, les plus en proie. Des gourous improvisés, trouvant là une matière rêvée pour donner libre corps à ses fantasmes de domination quels qu'en soient le prétexte, le masque de bienséance : révolution sanglante, dynamitage d'un système dont ils sont pourtant les plus vils exemples. C'est bien à la tête d'une multinationale du dessous, des sans abris, des plus fragiles, dans l'incapacité de se défendre par eux-même, qu'ils rendent possible leur utopie dévastatrice.

J'ai détesté découvrir que sous couvert de solidarité d'entraide, on pouvait se heurter à autant d'intolérance,  de haine assumée, d'embrigadement des esprits par les liens d'une doctrine sur le papier libératrice. Seulement sur le papier.  J'ai rapidement vu des volontés individuelles pour lever des armées d'en bas. Land of the dead, quoi d'autre ! Il faut pour cela endoctriner, zombifier, mettre au pas...

Dans un tel contexte, vous n'avez pas fui l'anti-mère pour vous coltiner la même aliénation sous d'autres empires. Quitter son obscurité pour s'envelopper dans la prochaine... Et un jour vous comprenez qu'on a peur d'entrer dans la lumière parce qu'on se regarde trop... Que le manque de confiance en soi est une excroissance de l'égo. C'est par l'affirmation de l'absence de son amour propre que notre extension est toute focalisée sur soi-même. Tout le travail devient celui de s'épaissir au monde en affinant son trait au point de pouvoir l'oublier. Plus le trait devient invisible, imperceptible, plus l'on existe. C'est tout le paradoxe.

Ainsi vais-je un jour, fort de cette intuition, décider de quitter ces squats, ces foyers, ces ponts rassurants, ces lieux sans lumière pour marcher, me déplacer seul, tout seul dans l'espace infini et sans limites de ma vie. Je commence par comprendre que n'avoir rien, ne rien posséder, c'est déjà exister, être léger, prêt au départ, n'importe quand. N'importe où. Être un roseau pensant, nomade. Il suffit d'un point de départ. Quand tu bois ton premier verre, l'objectif est le suivant, jamais le dernier... Boire c'est défier le taureau, c'est sentir jusqu'où tu trompes la mort et dans quel état tu finis. Au fond. Rester à moitié plein, tout le temps. le défi est là. "Le dernier pour la route", c'est un mensonge inventé par les peureux, les matérialistes, les comptables d'une vie au rabais. L'alcool et la Corrida. C'est un même combat.  

On n'a jamais vu un coffre-fort suivre un cercueil. 

D'une certaine façon, mon exclusion de la société est a présent oubliée, pleinement digérée, assumée, elle obéit à une trajectoire de libération, de révélation, le processus sans effort du papillon s'extrayant de sa gaine de vie, de son cocon, de ses contentions.

Je suis au monde, je n'ai plus ni couleur, ni cordon, j'ai cet objet, une pièce de 100 francs CFA, ma boussole. Trouvée dans un vieux baise-en-ville que j'ai également conservé. un seul mot d'ordre : l'évaporation au grand air de l'Ego : voilà qui redonne ses couleurs à l'homme ses valeurs son courage le sens de sa vie. Voilà ce qui va s'imposer naturellement à moi vers la lumière de laquelle je m'habillerai pour exister pleinement, en me sachant elle, en la sachant moi. Une évaporation nécessairement opérative au grand jour. Les murs sont des impossibilités, le foyer n'est naturel que le temps de la fertilisation des sols, que le temps des cerises et des moissons, que le temps des naissances. Une fois la récolte achevée, pourquoi ne pas s'en repartir ? Se ré-enraciner ailleurs. Plus les racines se multiplient plus le tronc de vos vies est solide et souple, vivant et offert aux 4 vents. Multidirectionnel.

J'ai décidé de ne rentrer dans aucune case. Je vis dehors et je me déplace. J'ai un but. Je suis un sans abri fixe, mes abris sont multiples, mobiles. Je suis un apprenant, un apprenti qui apprend tout de tout et de tout le monde. Je suis un émerveillé, je m'émerveille. Je mets merveille à toutes mes pensées. Je refuse une vie d'expertise, de sédimentation, d'accumulation, je sais d'intuition que l'accumulation engendre la gravité, que le seuil critique de cette dernière déforme l'espace temps, engendre, intime, le trou noir qui absorbe tout, d'où même la lumière ne s'échappe plus. Le sentiment de perte à l'idée de la fin de nos vies terrestres. j'expire toute idée d'expertise. "ex perte", je laisse les pertes aux devanciers, aux consommés, je laisse les fins à ceux qui veulent se rassurer. La question n'a jamais été le dernier verre mais le prochain et ma capacité à m'y rendre sans faillir. Sans quitter la table.

On n'a jamais vu un coffre-fort suivre un cercueil.

C'est une phrase qui revient souvent, je ne sais plus où j'e l'ai entendue. J'ai commencé une marche, dormant dans les bois, dans les forêts. Le périple commence au mois d'avril. Et je descends et je descends. et je ressens les sons et les odeurs de Dame Nature partout où je vais je me fonds et je m'incline et je m'absorbe et j'existe à nouveau. Sous la protection des cieux, des jours et des nuits s'enlaçant, sans cesser, je ne suis plus transparent. Je suis. J'essuie de la manche ce qui m'empêchait de me voir. D'aimer voir que je suis ce que tout est. Là est le secret. A chaque jour une renaissance, à chaque nuit une redécouverte, à chaque instant une communion.

L'on apprend à se repérer avec la complicité du ciel, l'on y reconnaît par effet de miroir les chemins où s'appesantissent les végétaux, où passent les animaux, où paissent les colères les moins avouables, où le moindre courant d'air vous coupe le souffle, vous retient contre vous-même, où le plus petit pied d'arbre se laissant dévorer du regard vous désigne le sud par son exposition la plus mousseuse.

J'étais obèse, frappé de maladies articulaires, des maux de vieux. Voilà que mon physique par l'exigence que lui imposait la marche tranquille se requinquait. Visiblement.

J'étais plus léger, je suis alerte, je fus libre et dormirai à la belle étoile, je laisse en toutes circonstances les moustiques se régaler de mon sang. Je leur murmure sans cesse d'une voix inaudible : ceci mes gaillards est mon sang. Me comprenaient-ils ? Ils peuvent s'en régaler autant qu'ils le souhaitent. Ma circulation est bien meilleure. Mes varices ? De vieux souvenirs, mes chers souvenirs. Il exultait mon corps. Il se requinquait visiblement. Mon espagnol s'améliorait à la même vitesse, au moins pour les rudiments qui permettent un approfondissement des relations avec Autrui. Se comprendre sur l'essentiel. Je fis ponctuellement des plonges, des vendanges lorsque c'était possible et lorsqu'on voulut bien de moi. Mes mains devenaient rugueuses et brûlantes. Le temps des cerises en la mimant rejoua l'éternelle séparation. D'avec l'été, d'avec la jeunesse, d'avec l'être aimé, d'avec mon encombrant passé. Cuite, hauts le coeur, vertiges, corps enlacés, exultation d'êtres grisés par la saison des amours. Le brame et le bois qui s'entrechoquent dans un champ de maïs bien mûrs. Le chant des champs caressés par l'impétueux vent d'Ouest.

Puis je traversai Santa Maria Del Berrocal comme une ombre. Pélerinage respectueux sur le lieu de naissance de Mamie Geneviève. La mère de mon grand-père maternel. J'avas retenu qu'elle y était restée très peu de temps avant de passer sa jeunesse en Argentine puis au Pays Basque à son retour lorsqu'elle avait eu 18 ans. Elle riait, elle aimait rire, mais elle était dure. C'est ce que j'en avais retenu. Drôle et dure. Drôlement dure. Grand sourire, mais carnassier, la dent sèche. Elle avait révélé pour ses 107 ans, la recette de sa longévité : 5 minutes de fou rire par jour, sans rien dévoiler de ses secrets d'alcôve pour le reste de la journée. Rien que du caillou, j'en étais sûr. J'avais senti qu'il en fallait de l'ego et de l'esprit de vengeance pour vivre longtemps, pour voir loin. Pour se projeter jusqu'au désert, jusqu'à ce qu'on ait enterré Dieu et ses semblables. Je me fis l'effet dans cette ville fantôme hantée par les chiens de l'enfer, leurs hurlements à la mort dès que vous longiez la clôture, que vous approchiez leur propriété, leur "chez eux",  d'être à nouveau exclu de la société. Leur société. J'étais le séparé du tout, j'étais l'essentialisé par le sort que l'on réserve au dormeur dehors claudiquant le temps d'un pèlerinage nocturne sur les traces idéalisées d'une Mamie Geneviève que je n'ai rendez-vous compte même pas connu.

Je me fis la promesse de descendre jusqu'à l'endroit où cette pièce de 100 Fcfa me servirait à quelque chose. Pour redonner du sens à cette propriété, à la charge que l'on porte sur mes épaules, dans mes poches déformées, trouées. A quoi m'aurait servi cette pièce entre Santa Maria Del Berrocal et la Catalogne ? 

Une halte à Albox et ses maisons troglodytes. Révérence à toutes les arrières arrières grands-mères dont je pressentis que certaines, maternelles dans l'âme, avaient pu sans ciller se laisser mourir de faim pour laisser vivre leurs descendances. L'endroit était trop aride, trop inhospitalier, pas palmeraie qui vive, pour qu'on y put vivre des générations se succédant, rebondis et gavés.

Le chemin se poursuivit, les âmes charitables se révélèrent à mesure que ma silhouette s'était affinée. je n'étais plus abandonné, rejeté, j'étais l'original qu'on veut admirer, qu'on envie, dont on rêve d'être lui, sans attaches, sans chaînes, sans souffrance, décalcifié du contingent.  Je compris alors que la peur est mauvaise conseillère. Qu'il faut faire malgré elle. Ne pas s'empêcher. Si un beau jour, par une pluie battante, votre parapluie est pulvérisé dans la bourrasque, sachez que vous trouverez toujours un endroit sec où vous abriter. Pas de quoi s'anesthésier.

Je possède à présent le corps qui plaît à mon coeur de sportif (message reçu très tôt du médecin de famille). Ma silhouette s'est affinée, mes muscles se sont dessinés, je respire mieux et transpirer devient mon labeur quotidien. Une fin en soi.

J'entretiens désormais avec les arbres un dialogue constant. Les toucher, les contempler me donne à comprendre le chemin que je poursuis. Sensation de redescendre depuis l'extrémité d'une branche pour regagner les racines de l'arbre majestueux. La source immanente. Toujours située en deça, invisible pour l'oeil, à l'abri des mauvais coups du destin. Certains évoquent le grand dessein et montrent le ciel du doigt. Tout est pourtant là, sous nos pieds. Les arbres nous enseignent cette vérité.  Il suffit d'observer, de vraiment regarder, d'ouvrir les yeux pour comprendre et ne plus avoir peur.  

Je ne sens plus mon poids et j'avance sereinement dans un corps aussi alerte que les pensées qui l'habitent.

La route des Oliviers, l'odeur y est si particulière, m'alerte sur le changement de climat et la proximité du détroit de Gibraltar. J'ai appris à y presser l'olive. J'ai travaillé dans les champs. Mon physique est robuste, mon corps est fiable.

Envoyez la musique.

Au départ, j'oubliais le chemin entre 2 étapes. Puis le chemin est devenu l'étape, une étape qui durait, les souvenirs s'ancrant dans chaque pas, chaque odeur, chaque tableau, chaque sensation de vent sur le visage. 

J'ai traversé mes vies, mille vies que je raconterai un jour, jusqu'à arriver à Douala par la route.

Curieusement, je n'étais plus le vagabond céleste, j'étais devenu le "blanc". Je compris que les 100 Fcfa ne me serviraient à rien, je les ai toujours, symboliquement. Je compris que ma couleur de peau était soudain, une chance, une garantie, un passeport pour retrouver une place, une position sur l'échiquier social de cette capitale économique. Je trouvai à m'inviter dans des réunions consulaires, des conciliabules à l'ambassade. Je trouvai moyen de me loger sans donner de garanties, d'emprunter sur la foi de ma promesse, de m'acheter une réputation à force de fréquenter ces petits milieux favorisés, de m'inventer une vie enviable, suffisamment mystérieuse pour qu'elle donne envie aux nantis, Camerounais "de la haute", expatriés, de tromper l'ennui et de fuir leur train-train en écoutant ce que mes aventures vraies ou fantasmées avaient à leur yeux de merveilleux.

Je présentais bien. J'avais les regards attendris des femmes d'expatrié qui aimaient en moi ce côté "sans attache" pas prévisible. Les hommes appréciaient ma gouaille, mon humour cassant -je dis ce que je pense, je l'ai toujours fait -, mon côté rebelle.

Les français de l'étranger firent de moi leur mascotte. Leur fierté. Je devins sans effort conseiller consulaire. Je touchai mon pécule pour la première fois. Aidant, ironie du sort, des compatriotes français livrés à eux-mêmes, à retrouver de la dignité, une écoute, un cadre de vie (beaucoup de ces hommes avaient suivi des femmes rencontrée sur le net avant d'être plumés comme des poulets de batterie et drogués, laissés pour morts).

On me prêta une maison coloniale à l'abandon que je retapai. Je devenais habile de mes mains. J'avais alors pignon sur rue. tout pour être apaisé. J'avais même rencontré la femme de mes rêves, la vétérinaire qui avait pris soin de soigner puis d'accompagner Goliath (mon fidèle compagnon des derniers 3000 kilomètres avant Douala) vers sa dernière demeure, derrière la maison. Elle me donna deux merveilleux enfants, nous vivions heureux en ce coin de paradis aux alentours du rond point Hôtel de l'air.  

Mais il manquait toujours quelque chose à ma vie. Et je ne savais pas encore quoi.

Puis un soir de déambulations qui me rappelaient probablement mes vies d'avant, d'échappées douces, d'égarements inspirés, j'ai rencontré Titus, vieux passionné, ex combattant de MMA, entraîneur d'un petit club de boxe de Bonapriso pas loin de la maison. Je me promène et m'arrête devant, hypnotisé par le son étouffé des gants dans un sac. Titus est là. On sympathise. J'ai commencé peu de temps après. Je l'entends me dire, me répéter "tu as le punch, le rythme, le style, le jeu de jambe". Je lui explique les milliers de kilomètres parcourus, les coups de poings rageurs plus jeune dans les murs sous les ponts, sur mes joues rougies. La quête ininterrompue pour arracher une réponse à des questions dont j'ignorais encore tout. 

Je me suis donc lancé dans la Boxe Anglaise sur le tard. Grâce à Titus qui m'a découvert ce talent. J'ai appris à retenir les coups et ne pas me laisser retenir dans les cordes. Et j'ai le punch. Cadeau du ciel. Ma foudre à moi. C'est ma force.

Le monde du sport a récemment réhabilité ses anciennes gloires. Le niveau serait devenu trop faiblard. Et tout est devenu bon pour faire du fric.

Etant patiemment devenu crédible à 45 ans sonnés pour disputer ce genre de combat de vétéran, j'apparais soudain comme un OVNI. Je suis blanc, vieux, je vais combattre sous les couleurs du Cameroun. De quoi attirer les marqueteurs du monde entier. Téléphonie mobile, brasseries, tout y passe tout y veut passer. Mon image épongée jusqu'au négatif. Rentabilisée. Epuisée.

Je suis prêt. Je me sens fort. Indestructible. A Bonamoussadi, on m'a vite appelé le Bombardier.

Le Bombardier de Bonamoussadi. 

Je me souviens de tout. A l'heure des hymnes.

La raison pour laquelle j'ai fait tout ça.

C'est que je m'en cogne. J'ai percé à jour le fond de ma mélancolie, la raison profonde de cette marche du bout du monde. Je suis guéri. Tout ce temps, il me fallait retrouver comme le lièvre trop pressé parce qu'orphelin de sa petite maison sur le dos, ma maison rêvée ou plutôt celui qui l'incarne le mieux sans jamais avoir pris le temps de m'en confier les clés avant de prendre congé.

L'espoir qu'il est vivant, qu'il verra ce combat, qu'on fera bientôt connaissance.

Et je sais que ce coup de projecteur sur ma petite personne aura l'effet espéré. Malgré les écueils et la prison médiatique bien réelle qui inévitablement prendra forme.

Je suis ce que tout est. De l'un avec le tout.

La pièce de 100 Fcfa est là Bien au chaud, tout au fonds du gant recouvrant ma main gauche.

Je n'ai jamais connu mon père.

N'est-ce pas le combat de toute une vie ?

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