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samedi 1 août 2020

La légende de Koudoukoudé


Tout commence il y a fort longtemps. Comme chaque année, des pêcheurs Basques expérimentés, durs au mal, quittent au coeur d'un hiver rigoureux le Golfe de Gascogne pour aller traquer la Baleine. Le Chef de l'embarcation, le teigneux Iker Eskubar a de la suite dans les idées. Fort de premières expéditions couronnées de succès, il espère cette fois suivre à la trace et capturer une Baleine légendaire du nom de Koudoukoudé. Les anciens en parlaient souvent mais personne ne l'a jamais croisée. Il sait qu’il devra peut-être s'aventurer plus loin qu'aucun de ses prédécesseurs n’a jamais osé le faire...

 

Après de longues semaines d'observation et de patience sur des eaux inconnues, ils finissent par la repérer, Elle n'est pas seule. Elle est accompagnée de son petit : Pokédé. Ils la poursuivent nuit et jour, sans relâche, et au terme d'une lutte titanesque sur une mer démontée échouent à la terrasser. De nombreux hommes y laissent la vie. Parmi l'équipage, la révolte gronde face à l'entêtement maladif du commandant qui parvient à ramener un peu de calme en arrachant la vie du petit de Koudoukoudé.


Une maigre récompense, une insurmontable peine chez la maman qui jure de se venger. Iker Eskubar a la conviction que c'est durant ses trois jours et trois nuits de deuil et de larmes se mêlant à l'océan que naquit des tréfonds de Koudoukoudé puis de tous ses descendants, le fameux chant des Baleines. Une plainte déchirante, aux accents presqu'humains. Koudoukoudé a tant pleuré qu'elle en finit par émouvoir jusqu'au fond de l'air, y fait naître une brume épaisse sur un océan redevenu calme et silencieux.

 

Le terrible Iker Eskubar se perd dans ces vapeurs immobiles et pesantes, regarde impuissant ses hommes mourir un à un d'un mal étrange qui semble s'être insinué dans leurs poumons à la faveur de ce brouillard qui enveloppe toute vie. Rapidement, l'équipage est décimé, pris de quintes de toux, incapable de retrouver son souffle.

 

Dernier survivant de cette embarcation devenue charnier flottant (une image de ces corps entassés, pâles et raidis, ne le quittera plus jamais), Iker Eskubar se retrouve seul face à la dépouille de Pokédé, emmailloté, déjà gonflé des miasmes nés des profondeurs de son petit être.  Même à travers les filets tranchants comme un récif Pokédé semble le narguer.

 

La lame dans sa main brille lorsqu'il enjambe les corps. Un silence étrange s'est installé dans le brouillard, les couinements du bateau semblent rythmer les gestes comme mesurés, ritualisés, d'Eskubar. Lentement, respectueusement, il rompt les liens et sent les premières gouttes d'une pluie fraîche, matinale peut-être, sur ses joues, sur ses mains rougies du sang de Pokédé qui s'est incrusté dans les mailles et dans les sillons microscopiques de sa peau. L'oeil du petit de Koudoukoudé semble le fixer et ne plus le quitter, même entre deux eaux et malgré la brume qui rapidement l'engloutit à mesure qu'il prend congé d'Eskubar.

 

Alors ce dernier entend ce qu'il a tant espéré : la complainte de Koudoukoudé... Probablement qu'elle le remercie avant de disparaître de son horizon et tout à fait de sa vie, se dit-il.

 

La brume s'est dissipée. Une côte lui apparaît. On est aux premiers jours de l'an 927. Iker Eskubar est accueilli par les populations locales. Il est intégré, respecté. Il apprend leur langue, y incorpore quelques rudiments de Basque. Ainsi naîtra une espèce de dialecte local. Puis vient le temps, dès qu’il est en mesure de le faire, de raconter son histoire, le récit originel, à la source de tous les mythes racontant les sirènes. C'est pourtant bien de cet affrontement dont il fut question, de la vanité d'un homme, de sa cruauté, de sa capacité de résilience aussi, de remise en question qui permit une paix des braves mêlée d'amour maternel et de respect réciproque. 

 

Certains historiens sont allés jusqu'à affirmer qu'à l'origine du Radeau de la Méduse de Géricault (plus de 800 ans plus tard) il y a ce petit morceau horrifique pris dans l'oeil du survivant, la maladie soudaine frappant les occupants de l'embarcation, tableau terrifiant qui aurait traversé les siècles et marqué toutes celles et tous ceux qui en recueillirent le témoignage, ébranlés par la force singulière, apocalyptique de la vision d'un homme qui avait pu témoigner : Iker Eskubar.

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