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samedi 19 décembre 2020

A nos brebis égarées

Tout s'est déréglé comme ça. De façon invisible.

Parce que soudain l'ordre des choses fut rejeté par la majorité des brebis.

Les Pyrénées étaient devenu ce Pays étrange où le droit de chacun au bonheur avait désormais une égale importance, où la loi de l'un prévalait. Le nombre s'était étrangement exprimé pour ériger la liberté individuelle en valeur cardinale, pour émanciper (par la valorisation de chaque trajectoire individuelle de vie) le groupe des servitudes d'antan.

Cela débuta par l'abolition de l'exploitation mercantile. Longtemps les brebis avaient été protégées par des bergers pas toujours tendres. Le souvenir des morsures vives au jarret, des aboiements têtus, des coups de griffe parfois, s'étaient ancré profondément dans l'inconscient collectif.. Honnie cette lâcheté des hommes déléguant à leur plus fidèle ami les basses besognes. C'était l'amour vache, on aimait le rôle protecteur de ces hommes bourrus qui connaissaient mieux qui personne la montagne, qui aimaient leur travail et leurs animaux, mais on ne supportait pas cette déférence, ce regard par au-dessus, ce racisme à peine voilé, on détestait les coups, la tonte, le fromage, les méchouis, les agneaux de lait... carnage, carnage, on refusa de continuer à subir ce qui ne semblait une chose normale qu'aux brebis planquées (les domestiques, les chouchoutées, les engraissées, les affublées d'un petit nom mignon). Alors on s'organisa pour faire valoir les droits de chacune à une vie au grand air. Liberté pour chaque brebis ! Le droit des animaux venait d'être reconnu, réglementé. Une aubaine pour les rats de tribunaux. De juteux combats à venir. On se pourvut en justice et l'on fit le bonheur et les poches pleines d'avocats jamais aussi pressés d'être en première ligne pour ces combats qu'il mène "la main sur le coeur" pour la postérité, leurs propres mots...

Les brebis obtinrent d'exclure les bergers et leurs humains excès de la montagne, de les renvoyer à leurs chères villes (qu'il connaissaient si peu). A coup d'ordonnances et de décisions de justice, tout fut mené tambour battant, un jeu d'enfant. Et l'on forma une catégorie de brebis, les plus râleuses, celles qui raffolaient de la castagne,  pour constituer une faction, sorte de garnison de "grandes soeurs", entraînée pour faire régner l'ordre, respecter les lois, en passant par le dialogue, la diplomatie avec toujours la menace de faire intervenir la justice. Après tout,  qu'est-ce qui pouvait empêcher une brebis, agneau de dieu, de faire le boulot d'un berger ? Pour le dire autrement, est-ce qu'un berger pouvait "dépasser" une brebis ? C'était le "bon mot" qui se répandait comme une traînée de poudre chez ces animaux à laine derrière un rire un peu pincé. La gentrification des esprits, que voulez-vous ?  

Chacun put ainsi vivre à nouveau en parfaite harmonie dans le plus grand respect de la nature, de soi et d'autrui. Plus de violence. Jamais. Du respect pour la planète et de l'amour, partout beaucoup d'amour. Et des lois et des juges pour en huiler les rouages ! On avait arraché sa liberté, les brebis étaient désormais maîtresses de leur destin.    

Mais tout ceci n'eut qu'un temps. La nature n'a-t-elle pas horreur du vide ? Personne n'imaginait qu'un jour ou l'autre le loup serait de retour dans les Pyrénées... Le loup n'était plus dans les légendes locales que le gentil animal tout mignon qui faisait des mamours à tout bout de champ et qui voulait des câlins. Pourtant le loup, le vrai, revint. Abasourdi, n'en croyant pas ses yeux, il courut ameuter tous ses compères de ripaille, leur contant l'invraisemblable repas de fête qui les attendait sans qu'ils ne courent étrangement le moindre risque. Les loups ne firent qu'un bouchée des brebis bergères et se régalèrent du reste du cheptel... Un repas gargantuesque.  Rien ne put s'opposer à leur frénésie,  ni les "beeeeeeeeh je vais porter plainte" ni les "beeeeeeeeh j'ai confiance en la justice" ni les "beeeeeeeeh Revenez Messieurs les Bergers, revenez..." sous le regard goguenard de loups hilares et rassasiés, décontenancés devant, je les cite, "tant de bisounourserie agglutinée".

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