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jeudi 13 mai 2021

Le roi des fesses

Stephen Oliveri était un phénomène. Surtout pour cette incroyable malchance qui le suivait partout, comme son ombre.

Tout avait commencé en sortant du ventre de sa mère. La légende - ce qu'il nous en avait rapporté - voulait qu'elle ne s'était pas sentie désireuse, prête ou capable de l'élever comme son enfant. Stéphane avait donc grandi sous la bienveillante égide de la Direction des Affaire Sanitaires et Sociales, accueilli rapidement par une famille qui l'entoura de tout l'amour dont il avait besoin pour s'épanouir en grandissant.

Mais pendant longtemps, pour Stephen, la chance aura été ce fruit inaccessible sur l'arbre à la bonne saison. Il avait beau sauter, s'échiner, l'objet de ses convoitises se refusait obstinément à lui. 

A l'internat, on l'appelait SOS. Pour plein de raisons.

Bien sûr l'adolescence est un âge ingrat. Il était arrivé à Marcel Roby en cours d'année. On se fait facilement remarquer dans une situation pareille. L'effet grossissant d'une petite communauté observant à la loupe le nouveau venu. 

SOS n'avait d'ailleurs pas un physique facile : une peau grasse généreuse avec le point noir qui s'y délectait entre deux boutons d'acné. Ajoutez un nez en patate soutenant des lunettes épaisses à double foyer (il était ouvertement myope). Et puis il y avait ses cheveux ternes, sans volume, qui épousaient la forme aplatie de son crâne, sue laquelle on aurait pu faire tenir un verre à pied. Pour couronner le tout, ses lèvres épaisses et constamment humides laissait s'échappper une mauvaise haleine. On ne lui parlait jamais de trop près.

Un matin, il avait été à l'origine d'un immense fou rire :  Au réveil, ses paupières avaient refusé de retomber sur ses yeux qui exprimaient une angoisse, s'embuaient, les muscles de son visage étaient tétanisés. On sentait la souffrance mais lui hurlait intérieurement cherchant de l'aide, un soutien, quand personne autour ne pouvait retenir ses larmes de rire. Tout était revenu dans l'ordre après qu'il se soit longuement aspergé le visage à la salle d'eau collective. Mais il avait attiré l'attention sur lui et pas pour les meilleures raisons.  

Quand on suscite autant de railleries, le harcèlement n'est jamais très loin. Lors du traditionnel bizutage pour accueillir les nouveaux venus, il fut le plus chahuté, tout habillé sous la douche glacée, savonné, en pleine nuit sous les salves extatiques de "SOS pétomane SOS pétomane SOS pétomane !

Cest que le pire dans tout cela lui venait d'une tare congénitale dont il avait hérité au niveau digestif. Un rétrécissement probable du colon jusqu'au sphincter qui le faisait péter de façon particulièrement bruyante. C'est surtout la nuit qu'on l'entendait claironner distinctement des fesses.

Les autre internes avaient également compris qu'en lui faisant peur, en le faisant sursauter, il ne pouvait empêcher les gaz qui lui encombraient l'intestin de se libérer dans un boucan de tous les diables.

Longtemps il le vécut terriblement mal. Mais un beau jour, SOS comprit que cette tare était en réalité une chance. Une aubaine.

Tout démarra lors d'un soir en ville, quelques années plus tard. Un simple malentendu lui mit la puce à l'oreille. Son voisin de table dans un minuscule restaurant japonais de la rue Pradier où l'on s'entassait les uns sur les autres, s'était brutalement retourné vers lui - au moment précis où SOS venait de se soulager, pensait-il discrètement - et au terme d'un suspense insoutenable avait interrogé 

"Ah oui je me régale, c'est délicieux, et vous c'était comment ?"

SOS avait alors compris qu'il avait un don. Que ses fesses étaient un cadeau du ciel. Le sphincter était ce muscle qu'il maîtrisait mieux que personne. Il savait moduler les sons qu'il produisait lorsque les gaz prenaient congé de sa personne. Il pouvait en régler l'intensité, la tonalité. Et comme tout don, il devait le travailler. 

Il se mit à écouter la BO de Rocky et fit ce qu'il fallait pour que son complexe devienne un talent unique au monde. Il découvrit notamment qu'il chantait juste du postérieur, qu'il avait si l'on veut l'oreille absolue. Rapidement il put reprendre des refrains de morceaux célèbres, il en fit des quizz, fut repéré dans un petit théâtre de quartier du 19e. Il alla plus loin. Il pouvait parler avec son derrière. Il devint chanteur, puis ventriloque. Et même imitateur.

Il se produit aujourd'hui sur les scènes du monde entier. On l'appelle affectueusement "Le roi des fesses"

Aux dernières nouvelles, il aurait même réussi à se faire comprendre de certains animaux et établir le contact avec les perruches, les Terriers airedales et même les grenouilles Goliath.

Un postérieur magique !

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