Nombre total de pages vues

mardi 11 mai 2021

Examen et défiance

Florent a toujours su camoufler. Il avance à reculons, à pas comptés, vers les marqueurs forts de son insigne faiblesse que sont les concours, les examens qui les matérialisent, certain qu'il s'y enlisera le premier, étranger à toute confiance, il sait alors mieux que personne se saboter, se regarder par au-dessus, s'enfoncer la tête dans la fange, jusqu'au sommet du crâne, sans l'aide de personne, lesté de ses odieuses croyances, les laissant s'épanouir tout au fonds de ses tréfonds intimes. Il sent bien venir le moment fatidique où chacun l'aura démasqué et d'un souffle tranquille l'aura éparpillé.

Heureusement, le cerveau sait en certaines extrémités, accoucher de vertueux subterfuges, de saines contorsions, pour sauver ce qui peut l'être. Il vous en fait faire alors des choses. Florent se met à noircir des feuilles et des feuilles de brouillon. Il les classe de manière minutieuse par matière. Pour chaque matière plusieurs couleurs (il a noté comme les feuilles de brouillons mises à disposition des étudiants au moment du concours étaient de diverses couleurs, un arc-en-ciel). Il utilise la pointe ultra-fine d'un criterium et charge toutes ces feuilles d'un savoir immense qu'il sait être sa béquille. Il travaille le geste, répété le mouvement, l'assouplit. Une solution par sujet, par thème, des sous-groupes thématiques, d'antisèches aux allures de rubriques d'une encyclopédie souterraine, un royaume invisible. Il répète l'exercice, encore et encore, encore et toujours, y muscle son jeu jusqu'à bâtir de ses propres mains, ériger un empire de contrefaçons, de pansements de l'âme, prêts à surgir pour faire mouche le jour J. Un chef d'oeuvre d'organisation millimétrée, Des codex Maya à portée de main, d'humain, intraduisibles pour le commun des mortels, pour quiconque ne vit pas à l'intérieur de soi. Ou plus exactement de lui.

Le jour de l'examen arrive et une forme de miracle se produit. Florent, les idées suffisamment claires, la tête assez dure pour accueillir les règles du jeu sans toutefois les dévoyer, sans jamais les trahir, fait le grand saut, lâche la rampe et comprend qu'il ne craint rien du regard des autres, de ses supposés censeurs. Mieux, qu'il est armé pour se défendre. Plus besoin de béquille. Parce qu'il a traversé son désert, qu'il s'est doté de moyens pharaoniques pour contourner un dogme injuste (se confronter aux autres quand on se pense inférieur), de le refuser, de s'ouvrir un nouveau chemin jusqu'à l'ultime seconde. Il décide de laisser les feuilles s'arranger avec l'obscurité de son cartable. Et de ce lent processus de maturation qui n'était là que pour le rassurer, de ce rêve bâti pour conjurer un sort scellé depuis l'origine pour le soustraire au regard des autres, est née la créativité la plus entière parce que nécessaire, l'innovation la plus pure parce que désespérée, la magie la plus puissante parce que de ce monde, autant de déclics profonds qui ont fait de lui l'artisan de ces révisions fabuleuses, l'inventeur obsessionnel de la méthode ultime pour rénover ce monde en contournant ses contraintes, les codes inhérents à la vie dite normale, le germe de sa vie future.

Voilà ce qu'il en retient : échafaudons des plans comme si notre vie en dépendait, creusons l'idée jusqu'à ce qu'il ne reste rien autour, fourbissons nos armes selon nos propres règles quitte à les abandonner en dernier ressort. Ces petites notes compulsives constituaient un écrit sain, sa religion, intime, le manuel de survie pour arpenter un chemin qui ne mène jamais qu'à soi-même.   

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

La disparition mystèrieuse de Mascotto Biscoto

La mascotte de la Coupe du Monde 2038 au Maroc a disparu. Qui sont les responsables ? Qui a commis cet acte ignoble ? Où est-elle passée ? L...