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mardi 26 octobre 2021

Son nom est peut-être...

Vous avez peut-être entendu parler du "maquis".

Le maquis, c'est une page sombre de l'Histoire Camerounaise. Quelques années avant l'indépendance - qui n'en fut évidemment pas une. Ahidjo placé à dessein au pouvoir pour faire oublier d'autres noms, ceux des vrais héros vite oubliés de l'Indépendance. Dans une forêt d'inextricables symboles, de contradictoires destinées, où le napalm arrache jusqu'à la vie du nouveau né dans un silence d'église, l'indifférence onusienne fait loi, la version officielle fait son office, protège les intérêts français, la "real-politique" est déjà le seul langage qui vaille... La loi du plus fort, instrumentalisons l'autre, retournons-le contre ses frères, faisons naître la paranoïa dans le taxi qui t'amène en ville, sur le marché de ton village, lorsque tu croises les amis aux champs... Glissons subrepticement des rats dans vos têtes. Fissurons la confiance, piétinons les modèles, tuons le courage, détruisons l'espoir.

Ruben Um Nyobe et ses frères d'héroïsme assassinés ? Qui croire dès lors ? Comment oser ? A qui se confier ? Comment résister lorsque l'Histoire est aussi oublieuse, indifférente ?

L'un dénonce l'autre pour se venger, qu'il soit de mèche avec l'occupant ou en cheville avec le résistant. On profite du chaos pour régler des comptes, le vice y tue la vertu. Tout doucement. Sans faire de bruit.  Sauve qui peut. Lorsque son propre voisin, sa soeur de lait, n'est plus digne de confiance, chacun est alors ramené à l'état de survivance, une possible folie ordinaire où le seul refuge devient une impénétrable forêt. Mère des instants difficiles qui protège, berce et nourrit. L'on s'éparpille, l'on se veut être le héros pour sa famille, on promet de protéger ses parents, les sauver du danger quand la menace gronde, même si l'on mesure 3 pommes et que l'on pèse 1 plume. Période où l'orgueilleux se livre aux forces du mal, où les mythes naissent de la bouche à l'oreille sur les rebords escarpés d'une falaise en emportant avec soi qui le colon, qui le bourreau.

Voilà ce que fut le maquis. Se battre contre le blanc, contre l'oppresseur, contre ceux des tiens qui y voient une opportunité de grandir à l'ombre de l'occupant. Alors on n'a plus personne auprès de qui se rassurer, on ne fait plus confiance à quiconque, on s'improvise.

C'est dans ce climat que Peutêtre est né. Peutêtre est le premier enfant de Ladouce. Ladouce a essayé en vain mais en vain l'enfant n'est jamais venu jusqu'à Peutêtre. Peutêtre était baptisé ainsi pour espérer qu'un jour peut-être il serait là. En chair et en os. Qu'il vivrait assez longtemps pour prendre soin de sa mère pour l'accompagner un jour vers sa dernière demeure.

Peutêtre est le fruit d'un amour total, et finalement trop grand peut-être. Le ventre de Ladouce a n'a fait que grossir au fur et à mesure que son fils prenait sa place.  

Sortir du ventre a été une interminable et pénible négociation. Un dialogue passionnant. Cart tant que Peutêtre était dans le ventre, Ladouce lui parlait comme à une personne qu'on accueille au monde. Maintenant qu'il est à l'air libre, Ladouce a changé de comportement, le sur-couve, préférant ne pas couper le cordon. Alors, partout où il va, ce cordon l'enserre, et lorsqu'il fleurte avec les frontières du village, il sent comme le lien se resserre, retenu par ce long cordon qui ne le lâche jamais. C'est plus fort qu'elle. Il est sorti de son ventre mais pourquoi le laisser partir ? Il lui appartient. Il est une partie d'elle.

Et puis la période est dangereuse le péril au coin de chaque rue. Elle a trop peur qu'il ne lui arrive quelque chose. Un malheur est si vite arrivé.

Le cordon est devenu vivant, un serpent, un boa constricteur qui l'étouffe d'amour protecteur. Une malédiction.

Peutêtre sait qu'il doit trouver la parade. Il sait se montrer patient. La longue gestation dans e ventre de sa mère le lui a enseigné. Pas de précipitation. Attendre le bon moment.

Un jour qu'il s'aventure au Bord du lac, où personne n'ose s'aventurer d'ordinaire, car l'esprit des eaux y effraye le petit monde Bamileke qui vit sur ses collines et redoute plus que tout au monde lacs, rivières et leurs mystères, leurs dangers.

Peutêtre a repéré en rentrant de l'école ce poisson rouge prisonnier d'un sac de plastique sous le cagnard sur le bord de la route qui mène à Bafoussam. Il s'empare du sac et de son occupant et file jusqu'au lac.

La dame du lac lui apparait et le remercie d'avoir rendu sa liberté au poisson rouge.

Elle lui propose de réaliser un voeu. Un seul.

"Je veux voler de mes propres ailes

Elle le remplace au bout de ce cordon. Par un mannequin tissé de raphia pesant le même poids qui lui ressemblera comme deux gouttes d'eau et qui dira oui, amen à tout ce que lui dira sa maman.

La Dame du lac s'exécute, la mère possessive n'y voit que du feu, heureuse d'avoir cet enfant soumis et en permanence auprès d'elle, sans volonté, disant "amen" à tout.

Pendant ce temps, Peutêtre est déjà très loin, il a franchi les collines verdoyantes, les lacs, les montagnes, les cascades, il vient d'arriver à Douala la rebelle. Il est à l'entrée du pont de la Dibamba. Il trépigne, il exulte.

Il vient de vivre son maquis intime. Contre l'ordre établi. A sens "inique".

Il va entrer dans l'Histoire, dans son histoire. La vie lui appartient.

Peutêtre est devenu un homme. 

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