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samedi 7 août 2021

Chef caca

C'est un soir orageux. Les éclairs lui semblent se rapprocher. Papa compte les secondes qui les séparent du grondement, le tonnerre. Le temps se raccourcit. Par la fenêtre, il voit Garfield, le chat de la jeune voisine du rez-de-chaussée se ruer sous un utilitaire pour y trouver refuge. La pluie gagne en intensité. Plus un oiseau. Plus un quidam. La ville ruisselle de toute part, les égouts débordent, une peur étrange s'est emparée des silhouettes fantomatiques derrière leurs fenêtres de l'autre côté du square. On semble partout attendre quelque chose.

Perdu dans ses pensées, Papa n'a rien remarqué. Léonie est partie aux toilettes depuis un temps indéterminé. Mais il revient brutalement à la réalité de leur petit 45 mètres carrés trop immobile.

"Ma chérie ?"

Il appelle la petiote.

"Léonie ?"

Pas de réponse. Papa remonte le couloir comme le fleuve ou le temps lui semble-t-il jusqu'à la source.

Léonie est bien là, debout, figée dans un curieux silence, dos à la porte de la salle de bains. 

Livide, elle a gardé ses petites mains dans le dos.

Veut-elle empêcher papa d'entrer ?  

Non, papa voit la peur das son regard. Oui mais de quoi ?

Elle est sporadiquement éclairée par les éclairs qui viennent du lointain dehors. 

Papa s'est planté, inquiet, tout près. Un avertissement résonne dans sa tête, un mot tout au plus : "fragile"... Il se veut précautionneux, il se concentre et commence à comprendre confusément. Tout passe parfois par l'odorat. Il se détend. Il aperçoit les premières traînées dépassant de la silhouette de Léonie toujours immobile, tremblante.

Derrière eux, au bout du salon, la pluie gifle les vitres de plus belle.

Il reconstitue mentalement la scène. Tout est limpide à présent.

Devant le spectacle impressionnant à l'extérieur, Léonie a eu comme la chair de poule, un noeud terrible s'et formé à l'estomac, ses petties mains sont devenurs moites, ses pettis petons "poites" - ce mot mériterait d'exister. S'en est suivie une envie pressante, impérieuse, irrésistible d'aller aux toilettes. Son petit appartement lui rappelant à cet instant la maison de paille d'un des 3 petits cochons malmenée par des vents furieux. Papa sait aussi qu'en ce moment, c'est particulièrement délicat parce qu'avec maman il y a parfois des disputes et maman est justement partie passer un week-end avec des amies.

Tout ceci aura joué un rôle et son effet boule de neige. Léonie n'aura pas eu le temps d'arriver sans dommages sur la cuvette.

Elle est encore petite. Elle ne maîtrise pas tout. La peur a entraîné des catastrophes en chaîne.

Une projection mentale. Ne pas arriver à temps. Imaginer la colère de Papa. Essayer de rattraper son erreur en nettoyant. Mais le premier rouleau de papier toilettes finit dans la cuvette. Le deuxième au lieu d'effacer les traces étale, agrandit la zone d'impact initiale.

La petite Léonie panique, essaye d'enlever son pyjama en prenant appui sur le mur qu'elle décore sans s'en apercevoir. les vêtements souillés participent du grand coup de pinceau à l'oeuvre.     

Au lieu de réparer, elle aggrave. Puis se recroqueville. Reste silencieuse, sans ressort. Elle imagine la colère de Papa.

Papa se rappelle avoir entendu dans un film de sa jeunesse que "la peur engendre l'hésitation et que l'hésitation engendre la réalisation de toutes les peurs".

Il en sourit, puis ne peut s'empêcher d'éclater de rire. C'est communicatif. Léonie rit à son tour et à gorge déployée. Ils vont faire le ménage tranquillement et cela restera un souvenir rigolo.

"Pas besoin d'effacer tes traces ma chérie. Ca n'est pas un crime. Ce sont des choses qui arrivent".

La seule trace qu'il en reste c'est que désormais Papa appelle affectueusement Léonie "Chef Caca". 

Pour les siècles des siècles.

vendredi 6 août 2021

Le copain qui n'avait pas de chance

Cette histoire se déroule au Collège Jean Mermoz à Abidjan. Josian est un petit garçon frêle de parents suisses et atteint de poliomyélite, maladie qui a affecté l'une de ses jambes plus courte que l'autre. Sa démarche s'en ressent, elle est heurtée. Il se remarque, ne peut pas se prêter aux mêmes jeux que ses petits camarades dans la cour de récréation. Il est parfois l'objet de moqueries. Mais c'est un garçon positif, gai, souriant. En toutes circonstances.

C'est ce qu'apprécie son meilleur ami, Rémi, jeune français qui l'a immédiatement adopté, pris sous son aile, en arrivant du Cameroun dans cette classe de CM1. Rémi aime la compagnie de Josian et sa constante bonne humeur. Il est attentif à ce compagnon de classe rigolo et adorable mais remarque au fil des semaines comme Josian cumule les déveines. Un jour c'est un bleu ici qu'il s'était fait en tombant, cette autre fois c'était le bras dans le plâtre. Une cicatrice au front. Un mauvais rhume... C'est vrai qu'il a une assise plutôt instable mais tout de même... Josian répète en souriant qu'il n'a jamais de chance. Que c'est ainsi. Il parle comme le vieux Sage.  Et le dit toujours avec un grand sourire. Même dissimulé derrière un bandage, on le devine.

Juste avant les vacances de Noël, Rémi est choisi lors d'un tirage au sort par la maîtresse pour savoir qui aura la chance de se rendre à une fête foraine qui se tient non loin de là à Cocody, tout près de l'Hôtel de Ivoire. 

Naturellement le chanceux Rémi qui peut inviter une personne, convie son copain Josian.

Les parents de ce dernier, touchés, apprécient le geste de son camarade et invitent Rémi à passer le week-end chez eux.

Tout se passe à merveille jusqu'à se que se produise l'incident dont voici la teneur. Durant un bref instant, alors que les 2 amis jouent avec leurs figurines des Maîtres de l'univers dans la chambre de Josian , son papa entre dans la chambre et vient poser ses grosses mains sur leurs épaules. Rémi sent que son copain blêmit, se tétanise. Il voit tout cela dans son regard.

Instantanément, Rémi pense comprendre les bleus, les bras cassés. Josian est sûrement un enfant maltraité mais il cache cela derrière une joyeuse humeur constante et des mensonges parfaitement troussés, inventant toutes sortes d'histoires pour expliquer sa déveine et tout ce qui lui arrive de terrible.

Rémi ayant l'âme chevaleresque. Il veut bien faire en essayant d'évoquer le sujet avec son ami dès que la porte de la chambre s'est refermée. La réaction de Josian, inattendue, le décontenance. Josian réagit comme une bête blessée, il hurle, se plaint à ses parents, disant qu'il ne veut plus jamais revoir Rémi.

Quelque chose se casse alors entre eux. Et plus rien ne sera jamasi pareil.

Rémi, une fois rentré chez lui, s'effondre et trouve le réconfort dans la discussion qu'il a avec maman

Elle lui fait alors comprendre le sens du proverbe 'l'enfer est pavé de bonnes intentions". Rémi pensait bien faire mais ne fit que renvoyer à Josian son "infirmité", sa différence, sa malchance, quand tout ce qui avait fait la force de leur amitié venait précisément de ce que Rémi traitait son ami comme n'importe quel meilleur ami.

Son erreur avait été de penser aussi que sa supposée chance (le tirage au sort) pourrait rééquilibrer les choses et compenser la supposée malchance de Josian. Il  revoyait son ami agitant gaiement son plâtre noirci de dessins et de mots gentils de ses copains de classe. Rémi avait cru qu'à son contact, Josian deviendrait chanceux à son tour. Qu'il le contaminerait.

Erreur ! Comme lui expliqua maman, on ne peut pas donner un peu de sa chance comme on rompt un morceau de pain pour le partager. Pas plus qu'on ne peut s'immiscer dans la vie et les souffrances intimes de l'autre sans en payer parfois le prix d'une forme d'intrusion.

A bon entendeur, 

La disparition mystèrieuse de Mascotto Biscoto

La mascotte de la Coupe du Monde 2038 au Maroc a disparu. Qui sont les responsables ? Qui a commis cet acte ignoble ? Où est-elle passée ? L...